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Khilindri n’ont respecté qu’un joli petit édifice, un tombeau à coup sûr, qui paraît être une imitation lointaine du tombeau de Mausole[1]. On sait que ces sortes de répliques d’un type célèbre n’étaient pas rares en Asie-Mineure. Le tombeau de Khilindri a la forme d’un édicule porté sur un soubassement; les pilastres d’angles, à chapiteaux très fouillés, sont réunis par un cintre, et soutiennent une pyramide quadrangulaire, aujourd’hui tronquée. L’édifice est construit en beau marbre blanc, malheureusement destiné à fournir tôt ou tard des matériaux pour les maisons de la ville moderne.

Khilindri n’a pas de khan : le voyageur doit se contenter du gîte qu’il trouve en plein air sur les bancs d’un petit café, au bord de la mer. Les Grecs y sont en petit nombre et pauvres; ils sont marchands, cafetiers ou mariniers. A mesure qu’on avance vers le golfe de Syrie, ils deviennent de plus en plus rares, et leur condition est plus humble.


Dans le Taurus, 25 juin.

Nous emmenons de Khilindri un guide grec, Barba-Janni. C’est un gros homme jovial, monté sur un petit âne, qu’il écrase de son poids. Malgré son assurance, il est facile de voir qu’il connaît fort peu le pays ; mais rien ne le décourage ; chaque détour inutile nous vaut un long discours, pour nous prouver que, le pays étant très beau, on ne saurait se lasser de le voir. Barba-Janni est un mauvais guide, mais la route dans le Taurus est en effet fort belle. Quand on a dépassé les villages de Kourtoulou et de Hadji-Baba, et que l’on s’est engagé dans le massif cilicien, on découvre à chaque pas les beautés les plus sauvages : ce ne sont plus les vertes vallées de la Lycie ; c’est l’aspect sévère de la roche nue, de la maigre verdure des chênes-verts et des lentisques. Par ces ardentes journées de juin, sous un soleil de feu, les petits accidens de terrain se fondent en une masse lumineuse, et le paysage se dessine par grandes lignes, accusant nettement les hardies découpures des hauts sommets du Taurus. Il est presque nuit quand, après une longue journée de marche, nous arrivons au yaïla de Drou-Hân, où les paysans du bas pays, chassés par la chaleur, ont installé leur campement d’été. L’aspect de cette petite vallée, fermée par des murs de roches

  1. Voir surtout l’essai de restauration qui a été tenté par M. Fergusson : the Mausoleum at Halicarnassus restored in conformity with the recently discovered remains, Londres, 1862, et l’ouvrage de M. Newton sur ses fouilles d’Halicarnasse, Halicarnassus, Cnidus and Branchidae.