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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/960

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la nouvelle composition du corps électoral tel que l’a fait la dernière réforme. Il a pu se laisser abuser par la première épreuve de 1874, qui lui avait été favorable; il ne s’est peut-être point aperçu que la réforme n’avait pu produire encore tous ses effets à ce moment, qu’elle introduisait dans la vie publique des élémens. inconnus qui, un jour ou l’autre, entreraient certainement en action et pourraient décider des élections. C’est ce qui vient d’arriver dans ce récent scrutin, où les nouveaux électeurs ont certainement contribué pour une large part au succès des libéraux. Il est plus que probable enfin que, si lord Beaconsfield n’a pas trouvé plus de faveur auprès du peuple anglais, s’il n’a point obtenu le renouvellement de bail devant lequel sa verte vieillesse ne reculait pas, c’est que sa politique, toujours pleine de surprises et de coups de théâtre, ne rassurait pas entièrement l’opinion. Lord Beaconsfield a conduit les affaires de l’Angleterre en homme d’imagination, sans redouter les aventures et souvent sans calculer ce que ces aventures pouvaient coûter. Il a sans doute déployé dans sa diplomatie une verve audacieuse et un entrain de patriotisme qui lui ont valu par momens une véritable popularité. Au total cependant, ses entreprises ont fini par laisser voir chez lui plus d’ostentation que d’esprit de suite. Sa politique orientale a pu paraître assez décevante; ses guerres dans l’Afghanistan, dans le Zoulouland ont soulevé de vives contestations; la conquête de Chypre ne pouvait suffire pour pallier bien d’autres méprises, pour fonder l’ascendant d’un ministère, et lorsqu’on l’a vu récemment tout près de s’engager dans des combinaisons continentales, il y a eu une sorte de malaise public dont ses adversaires se sont empressés de profiter contre lui.

Que se proposait-il réellement? Jusqu’à quel point entendait-il pousser la participation à l’alliance austro-allemande? On ne le sait pas, il n’y a qu’une chose sensible. Le langage de lord Beaconsfield, les déclarations antérieures de lord Salisbury, l’intérêt ardent avec lequel on suivait à Vienne et à Berlin les élections anglaises, tout laissait supposer quelque entente plus ou moins acceptée, plus ou moins préparée. Or si l’Angleterre a pu être flattée de reprendre un rôle dans les affaires de l’Europe, elle ne se soucie point évidemment de se laisser entraîner dans toute sorte de combinaisons, et c’est peut-être parce que le ministère a été soupçonné de vouloir aller trop loin qu’il a été si complètement délaissé par l’opinion. C’est là du moins ce qui peut être considéré comme une des causes de la défaite du gouvernement tory.

La défaite est dans tous les cas aussi éclatante qu’elle a été imprévue jusqu’au dernier moment, et puisque la victoire se dessinait pour les whigs, il n’y avait qu’avantage à ce qu’elle fût complète, décisive, de telle façon que les libéraux, en rentrant au gouvernement, n’eussent