sels terreux augmente. Les débris du granit, roulés, réduits en bouillie par les courans, s’incorporent aux sédimens calcaires et donnent une série de marnes de plus en plus pauvres en chaux. Il n’est pas besoin d’en aller prendre des échantillons pour s’en assurer, il n’y a qu’à observer le dessin moins ferme, les contours plus mous des collines : on sent qu’on a affaire à une matière que les agens atmosphériques attaquent et arrondissent aisément; mais continuons à nous avancer vers la mer. Voici à l’horizon, presque indistinctes et cependant frappantes d’allure, d’autres collines d’un caractère tout différent. Ce n’est pas un calcaire, si chargé d’alumine qu’on le suppose, ce n’est pas même une terre végétale qui pourrait présenter ces courbes ondoyantes comparables seulement aux profils des nuages ou aux croupes des flots. C’est en effet le vent qui est ici le sculpteur, et c’est une matière presque fluide, le sable, qu’il tourmente, déplace et modèle en forme de vagues subitement figées. Souvent l’analogie est complète, ces dunes moutonnent comme l’océan. C’est le dernier résidu du broyage des cailloux granitiques, la fine poussière de silice, qui en a fourni les matériaux. La marée la dépose à la surface des fondrières où s’élabore la marne; le soleil en sèche une mince couche, qui, soulevée par la brise, va former ces collines orientées suivant la direction des vents dominans. Dans cette rade de Bahia-Blanca, deux filets d’eau, le Sauce-Chico et le Naposta, continuent sur une petite échelle la série des phénomènes inaugurés par les fleuves qu’ils ont remplacés, et on peut saisir sur le fait les procédés de la nature. C’est une terre nouvelle qui sort des ondes comme la Vénus antique, avec laquelle elle n’a du reste que ce seul point de comparaison. Rien n’est moins beau que cet embryon de plage bordée de dunes pelées, ce cangrejal, vrai domaine de crabes, car il n’admet d’autres hôtes ni d’autres passans qu’eux, et les mouettes elles-mêmes ne s’y posent pas sans précautions.
On comprend combien une pareille configuration du sol a d’influence sur la répartition des eaux superficielles, et l’eau est l’élément essentiel dans une campagne au désert. Aussi les instructions relatives aux opérations militaires ont-elles été écrites, peut-on dire, sous la dictée de la géologie. Dans la région calcaire, l’eau est le fruit défendu. Nous abandonnions dès la première étape les bassins des rivières, car la direction générale de notre marche nous faisait tourner le dos à la mer; quant aux fleuves desséchés, ils étaient fort loin à l’ouest. Sur les plateaux, on aurait dû, pour avoir de l’eau, pousser à des 20 mètres de profondeur, à travers des roches compactes, des puits dont le débit, nous le savions d’avance, serait peu abondant; il n’y fallait pas songer. Dans les dunes, c’est autre chose : le liquide imprègne ces masses perméables et y reste