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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/125

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un débouché aux produits de Mendoza, s’engagea ensuite dans le Limay et arriva très près du grand lac de Nahuel-Huapi, où les jésuites, qui ont laissé leurs traces dans tous les points remarquables de la création, avaient eu, paraît-il, un établissement. Il était à trois ou quatre jours de marche de la ville chilienne de Valdivia sur le Pacifique; les hostilités des Indiens l’obligèrent à revenir. On perdit du temps à persécuter l’homme au lieu de profiter de ses découvertes, et la guerre de l’indépendance, qui survint peu après, paralysa tout. Le dictateur Rosas reprit la question en 1833. Une armée argentine remonta jusqu’au Nanquen, et une petite expédition de savans et de marins étudia le lit du Rio-Negro jusqu’à un point que Descalzi, qui la dirigeait, surpris en plein enthousiasme de découvertes par l’ordre de retourner à Buenos-Ayres, appela vuelta del dolor, le coude douloureux. Cette campagne de Rosas avait surtout pour but de former en peu de temps à la rude école du désert une armée disciplinée et aguerrie avec laquelle il pût imposer ses volontés à toute la république. Ce but atteint, on ne songea plus au Rio-Negro. Dans ces dernières années, depuis que les questions de frontières ont joui d’une grande faveur, il faut citer les études du commandant Guerrico, de la marine argentine, qui remonta avec un petit vapeur jusqu’à l’île de Choele-Choel et y passa plusieurs mois, ainsi que les voyages très méritans de l’explorateur don Francisco P. Morena, qui a poussé jusqu’au « pays des pommiers, » en a indiqué l’importance et en a décrit les beautés.

Ce « pays des pommiers, » — c’est le nom du vaste triangle compris entre le Nauquen, le Limay et la Cordillère, — est aujourd’hui le refuge de tout ce qui reste de la race pehuenche. Il a été laissé en dehors de la nouvelle ligne de frontière qui suit le Rio-Negro et le Nauquen depuis l’Océan jusqu’à la ligne de partage des eaux dans les Andes; ce sera l’objet d’une campagne prochaine. Le Nauquen devait être occupé par les forces de la frontière de Mendoza, sous les ordres du commandant Uriburu. Cette colonne a eu une marche pleine de difficultés et d’incidens. Elle avait en face d’elle le seul parage où il y eût encore des Indiens et où tous les fugitifs de la pampa s’étaient donné rendez-vous. Elle devait traverser un pays montueux, en tout temps peu commode, et devenu à l’entrée de l’hiver presque impraticable. Non-seulement elle a eu à se battre, ce qui en pareil cas est une distraction, mais elle a eu à lutter contre les torrens, la neige et le froid. Une autre circonstance a donné à ses opérations un surcroît d’imprévu et en a rehaussé l’importance. Elle a trouvé de ce côté-ci des Andes une colonie chilienne tranquillement occupée de l’achat et de l’engraissement de bestiaux volés. C’est le dernier vestige de ce vaste et immoral commerce