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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/171

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irlandais. La proportion des forces est donc absolument renversée.

Ce résultat cause en Angleterre une émotion d’autant plus profonde qu’il était tout à fait inattendu. Aucun symptôme précurseur ne l’avait fait prévoir. Les élections de 1874 avaient été précédées d’une série d’élections partielles qui avaient presque toujours tourné au détriment du ministère. Rien de semblable ici ne s’était produit, et l’accueil que les députés conservateurs avaient reçu de leurs commettans dans les réunions extra-parlementaires de l’automne n’avait pu leur inspirer aucune inquiétude sur le renouvellement de leur mandat. La reconnaissance de la nation pour les hommes d’état qui avaient rétabli au dehors le prestige du nom anglais ne semblait point s’être encore affaiblie. Loin de contester l’action que ce sentiment devait exercer sur les élections futures, on paraissait plutôt disposé à craindre qu’il ne fît perdre de vue toute autre considération. Quelque temps avant la dissolution, le Times, comme s’il eût appréhendé que l’opposition ne sortît trop décimée de l’épreuve électorale, était revenu, à diverses reprises, sur l’inconvénient d’avoir dans la chambre des communes une opposition numériquement trop faible pour exercer sur le gouvernement un contrôle efficace. L’étonnement qui s’est manifesté au sein de toutes les cours du continent, quand la défaite du ministère a été connue, a fait voir que les ambassadeurs étrangers, observateurs attentifs et désintéressés de tous les mouvemens de l’opinion publique, avaient prévu et annoncé à leurs gouvernemens une issue toute différente des élections générales.

On s’accordait à penser que l’hostilité des non-conformistes ferait perdre aux conservateurs les sept ou huit sièges qu’ils avaient gagnés en Écosse aux élections de 1874, et que le même nombre de voix pourrait bien être enlevé en Irlande par les autonomistes, dont le nouveau chef, M. Parnell, avait déclaré au ministère une guerre à outrance. En Angleterre, quelques sièges dont la conquête avait été due à l’animosité des radicaux contre les libéraux modérés, pouvaient également être reperdus, si une coalition réunissait les adversaires du gouvernement ; mais si on admettait généralement que la majorité ministérielle pouvait être réduite de 25 ou 30 voix, personne ne supposait qu’elle put disparaître complètement. On était d’autant moins disposé à le croire que des libéraux éprouvés, comme M. Cowan à Newcastle, M. Walter dans le comté de Berk, M. Yeaman à Dundee, et d’autres encore, tout en se déclarant fidèles à leurs principes et à leurs amis politiques, n’hésitaient pas à exprimer une opinion favorable sur la politique extérieure du cabinet.

Loin qu’on envisageât un changement de ministère comme possible, le monde de la finance et des affaires regardait le maintien