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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/174

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avec ardeur, ils demeurèrent convaincus que lord Beaconsfield attendrait le terme légal de l’existence du parlement; que la session de 1880 serait de courte durée et que les électeurs seraient convoqués à la fin de l’été ou dans les premiers jours de l’automne, suivant que les moissons seraient en avance ou en retard. On doit croire que telles étaient, en effet, les intentions du premier ministre, et qu’elles furent modifiées par quelques succès électoraux qui lui firent illusion. La mort de M. Roebuck, un radical de vieille roche, qui s’était rallié à la politique du gouvernement, après avoir fait, pendant plus de trente ans, une guerre personnelle à lord Beaconsfield, fit vaquer inopinément un siège à Sheffield. Cette ville, centre de l’industrie du fer, était considérée comme une des forteresses du radicalisme : néanmoins, l’opposition crut ne pouvoir prendre trop de précautions pour s’assurer la victoire : un avocat de Londres, qui représentait le bourg de Barnstaple, M. Waddy, poussa le dévoûment jusqu’à donner sa démission pour pouvoir se présenter à Sheffield. Malgré son talent de parole, malgré une campagne des plus actives et malgré l’appui des ouvriers irlandais dont il acquit les votes par des engagemens que son concurrent conservateur refusa de prendre, M. Waddy ne l’emporta que de moins de 500 voix sur plus de 28,000 votants. Ce résultat fut considéré comme un succès par les conservateurs, et l’on ne peut les accuser de s’être mépris sur la signification du vote, car avant que deux mois se fussent écoulés, aux élections générales, M. Waddy a été battu par le candidat conservateur, M. Wortley, qui est rentré en lice contre lui. Quelques semaines plus tard, à Liverpool, le candidat de l’opposition, lord Ramsay, malgré l’hospitalité qui lui était donnée à Knowsley-Hall et l’appui très ostensible de lord Derby, se tournant contre ses anciens collègues; malgré les engagemens qu’il avait pris vis-à-vis du comité irlandais, était vaincu par le candidat conservateur, M. Whitley, qui l’emportait à une majorité de 2, 500 voix. La semaine suivante, la mort d’un des vétérans de l’opinion libérale, M. Locke King, faisait vaquer un siège à Southwark, c’est-à-dire dans Londres, et ce siège était conquis sur l’opposition par un avocat de grand talent, M. Clarke, qui promettait un orateur de plus à la chambre des communes.

L’élection de Southwark produisit une grande impression dans le monde parlementaire, et il est probable que cette succession de petits avantages fit croire à lord Beaconsfield qu’il aurait tort de retarder plus longtemps les élections. Il pensa sans doute que l’effet de la campagne organisée pendant l’automne par les orateurs de l’opposition était déjà effacé et qu’il était de l’intérêt des conservateurs de hâter l’épreuve des élections sans laisser à leurs adversaires le temps de renouveler leurs attaques. Toujours est-il