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d’impôt du ministère qui avait jeté le pays dans cette guerre de l’Afghanistan qui causait tant de préoccupations et qui pesait si lourdement sur les finances, combien y en avait-il parmi eux qui pussent apprécier les motifs de prévoyance qui avaient rendu cette guerre nécessaire? Manquait-il d’hommes politiques parmi ceux qui étaient réputés les plus importans et les plus capables pour blâmer cette guerre et pour tourner en ridicule l’idée que l’Inde eût rien à redouter des entreprises de la Russie ? Comment des esprits mécontens n’auraient-ils pas été disposés à penser de même ? Comment des gens ignorans et peu éclairés se seraient-ils élevés jusqu’aux considérations politiques qui avaient déterminé l’approbation du parlement, et l’adhésion du monde des affaires, plus capable d’apprécier l’importance de l’Inde pour le commerce anglais et les conditions de sécurité de cet empire indien ? Lord Beaconsfield devait faire à ses dépens l’expérience des inconvéniens du suffrage presque universel qui remet la décision aux mains des multitudes ignorantes, et qui fait prévaloir les passions et les entraînemens de l’heure présente sur les calculs de la sagesse et sur les règles de la raison d’état.

La guerre contre les Zoulous était encore moins populaire que la guerre de l’Afghanistan, Elle avait eu pour origine l’annexion du Transvaal, préparée de longue main par le ministère précédent, et approuvée hautement par lord Kimberley et par les principaux chefs de l’opposition. Elle avait été déterminée par l’initiative de sir Bartle Frère, qui, dominé par sa propre conviction, avait pris sur lui d’envoyer un ultimatum à Cettiwayo. Le ministère aurait pu dégager sa propre responsabilité en désavouant le commissaire général ; mais lord Beaconsfield avait refusé de frapper un homme d’une haute valeur, qui avait rendu de grands services à l’Angleterre. Il avait également refusé de sacrifier lord Chelmsford, un brave soldat et le fils d’un de ses anciens collègues, et d’en faire la victime expiatoire du désastre d’Isandlana. Il avait eu raison puisque lord Chelmsford, tant accusé et tant décrié, avait remporté la victoire d’Ulandi, fait Cettiwayo prisonnier et mis fin à la guerre. Le cabinet n’en portait pas moins toute la responsabilité d’événemens qui avaient douloureusement ému l’Angleterre et entraîné une dépense de 6 millions sterling. La guerre contre les Ashantees, commencée et poursuivie sous le ministère de M. Gladstone, avait coûté plus d’hommes et plus d’argent ; mais qui s’en souvenait encore, tandis que le nom d’Isandlana était dans toutes les bouches ? C’était l’esprit téméraire de lord Beaconsfield, c’était sa recherche des coups de théâtre qui entraînait l’Angleterre dans toutes ces aventures, et les caricaturistes de l’opposition le représentaient