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entouré de feux d’artifice dont John Bull était in vite, à payer les frais.


III.

Telles sont, autant qu’il est possible de pénétrer les mystères du scrutin secret, les causes qui paraissent avoir exercé la principale influence sur les élections. Il n’y avait pas à hésiter sur les motifs qui déterminaient les électeurs en 1874 : les souffrances de l’amour-propre national étaient cuisantes et elles étaient rendues plus vives par l’attitude des cours continentales vis-à-vis de l’Angleterre; la lassitude causée au pays par une administration tracassière qui ne laissait rien en repos, n’était pas moins évidente. Cette fois, toutes les apparences étaient favorables au ministère, et les influences qui ont réellement déterminé sa défaite se dérobent au regard par leur multiplicité et leur caractère complexe : si l’on s’en tient au résultat d’ensemble qui a porté de 250 à 350 les voix des libéraux et abaissé dans la même proportion le chiffre des voix conservatrices, on doit nécessairement penser qu’un déplacement aussi considérable des forces parlementaires ne peut correspondre qu’à un grand et décisif mouvement de l’opinion. Si, au contraire, on décompose le résultat général pour en examiner de près les détails, on est frappé de certaines contradictions, on hésite et l’on se prend à douter que le mouvement de l’opinion ait eu la puissance et l’universalité qu’on lui avait d’abord attribuées. Qui ne se souvient du temps encore peu éloigné où lord John Russell tenait invariablement la tête du poil dans la Cité et où sur les vingt-huit députés élus par Londres, les faubourgs et les comtés voisins, un seul, M. Masterman, appartenait au parti conservateur? Cette situation a bien changé. En 1880, les candidatures conservatrices ont eu plus des deux tiers des voix dans la Cité; Westminster et Greenwich leur ont également donné des majorités considérables, Tower Hamlets s’est partagé ; à Southwark, à Chelsea, à Marylebone, les conservateurs ont serré de très près leurs adversaires. Les comtés sur lesquels débordent les faubourgs de Londres, Middlesex, South Essex, East et Mid-Surrey, West Kent, ont élu exclusivement des conservateurs ; à Liverpool, l’opposition instruite par s-m récent échec n’a même pas osé tenter la lutte. On peut donc dire que les circonscriptions les plus éclairées et les plus considérables par leur importance et leur richesse se sont presque unanimement prononcées en faveur du gouvernement.

En regard de ces circonscriptions et en complète opposition avec elles, se placent naturellement les grands centres d’industrie : Birmingham, Manchester, Nottingham, Bradford, Newcastle, où l’élection