Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les victoires que l’opposition avait remportées dans les bourgs. Le Times a rappelé, à ce propos, le dicton bien connu, qu’on se porte volontiers au secours du vainqueur. Si, malgré la persévérance et la ténacité du caractère anglais, le succès et la défaite ont une action contagieuse en fait d’élections, que se passerait-il en France, si nos élections générales, au lieu de s’accomplir toutes le même jour, étaient espacées comme en Angleterre, sur une période de plus de quinze jours? Évidemment, le système français est préférable; il offre plus de garanties pour l’expression libre et spontanée de l’opinion publique; et nos voisins qui ont déjà abrégé la durée de leurs élections seront conduits à faire de nouveaux pas dans cette voie. Outre l’effet moral des élections des bourgs, les conservateurs ont eu encore contre eux, dans certains comtés, des influences qui s’étaient jusqu’ici exercées en leur faveur. Lord Derby, par exemple, a pris ouvertement parti contre ses anciens collègues. Il ne s’est pas borné à adresser à lord Sefton une lettre dans laquelle il se rangeait parmi les adversaires du ministère et à communiquer cette lettre aux journaux, il l’a fait imprimera part et l’a fait adresser par ses intendans, sous pli cacheté, à tous ses fermiers et à tous ses tenanciers du Lancashire. Le caractère impérieux de lord Derby est si bien connu et les ordres donnés par lui étaient si notoires que le ministre de l’intérieur, M. Cross, qui représente une des circonscriptions du Lancashire, a cru devoir y faire allusion, à Ormsby, pour rassurer les électeurs, a Beaucoup d’entre vous, a-t-il dit, font en eux-mêmes cette réflexion : on voudra savoir, on saura comment Ormsby a voté. Rassurez-vous : la loi protège efficacement le secret de vos votes. On ne comptera point à part, les votes d’Ormsby : la loi veut qu’avant de les compter, on mêle ensemble les bulletins de vote de la circonscription tout entière; il n’y aura donc aucun moyen de savoir comment Ormsby aura voté. » M. Cross, qui, en 1868, l’avait emporté avec l’appui de lord Derby sur M. Gladstone, a conservé le siège qu’il avait alors conquis; mais d’autres députés du Lancashire ont été moins heureux : lord Hartington, que lord Derby avait fait échouer en 1874 et qui avait dû chercher asile à Radnor, dans le pays de Galles, a recouvré son ancien siège et un libéral a passé avec lui; le frère cadet de lord Hartington, lord Cavendish, a dû également un siège au même patronage. Quel fruit, en dehors de la satisfaction d’une misérable rancune, lord Derby peut-il attendre de sa défection? La victoire des libéraux est assez complète et leurs forces sont assez grandes pour qu’ils n’aient aucun besoin de son assistance et pour qu’ils bornent leur reconnaissance à une vaine démonstration.

En Irlande, les élections ont amené une sorte de chassé-croisé : les grands propriétaires, whigs et tories, contre le quels le parti