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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/219

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de la compagnie comme une ligue contre leur autorité; jamais ils n’ont été saisis des terreurs paniques dont on affecte aujourd’hui de s’alarmer. N’est-ce donc pas une terreur panique que de concevoir la création d’un cinquième corps dans l’état et une république dans la monarchie! Que peut-on craindre d’une assemblée qui n’a le pouvoir de rien décider, pas même de décréter contre qui que ce soit, et dont la fonction se réduit à émettre des vœux, à formuler des propositions?.. Ce qu’il faut détruire, messieurs, ce qu’il faut effacer, c’est l’affront que cette compagnie a reçu au conspect de la France, le jour où ses résolutions ont été traitées de sédition et de perfidie; un tel acte est de si grande conséquence qu’il ne se peut dissimuler; il ébranle les fondemens de la monarchie en faisant perdre au peuple le respect qu’il doit à ce sénat par l’autorité duquel il est plus facilement retenu dans l’obéissance due à son prince que par la puissance d’une armée. Si forte virum quem conspexere, silent. Il importe donc à l’autorité royale non-seulement que ces arrêts pleins d’injure et de colère soient retirés, mais que l’on donne quelque réparation publique aux justes plaintes du parlement. Il serait glorieux à la reine d’obéir à la raison qui doit être la maîtresse des princes. »

La discussion fut longue et tumultueuse. Quelqu’un, du parti de la cour, prononça le nom des seize et fit allusion aux barricades de 158S. Une clameur violente accueillit ce blessant parallèle et, couvrant la voix de l’orateur ministériel, força de suspendre la séance. Dès que le calme se rétablit, Broussel reprit la parole. Il repoussa d’un ton indigné la comparaison malheureuse qu’on osait tenter entre la criminelle sédition de la ligue et la loyale résistance du parlement, il montra combien il y avait de raison et de générosité dans le rôle politique de l’illustre compagnie, combien sa participation aux affaires était secourable au peuple et utile au prince. Son discours grave, chaleureux et pathétique, transporta l’assemblée. Ce fut le plus beau succès oratoire de ce grand personnage. « J’approuve, messieurs, la confusion dans laquelle ont été réduits ceux qui, oubliant les mérites du parlement et ne faisant pas réflexion que c’est à l’admirable tempérament qu’il apporte dans l’état que nous devons la gloire, la grandeur et la durée de la monarchie, imputent à crime ses conseils, taxent ses résolutions d’attentat contre l’autorité royale, jusque-là qu’on veut le forcer de souscrire à sa condamnation en mettant ces invectives dans ses registres parmi ce grand nombre d’arrêts sur lesquels notre état est appuyé comme sur une base inébranlable. Ceux qui donnent d’aussi mauvais conseils à la reine n’ont donc jamais pénétré dans l’harmonieux concert de toutes les parties de son état, où