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prouver qu’en bornant le pouvoir de la couronne on le consolide. Le duc d’Orléans lui reprocha un jour, dans une discussion, de choquer directement la puissance du roi et de porter atteinte à ses prérogatives essentielles. « Monseigneur, repartit Broussel, il y a cinquante ans que j’ai l’honneur d’appartenir à la compagnie et je n’ai jamais rien dit ni fait qui fût contre le service du roi; mes propositions sont conformes aux ordonnances et aux bons principes. » Puis, saisissant l’à-propos, il insista sur le loyal caractère de cette opposition qu’on incriminait; il en développa les avantages: « Notre devoir, dit-il, n’est pas de flatter le souverain, mais de nous opposer à ses volontés injustes et d’observer les règles consacrées par la pratique de nos ancêtres. On ne détruit pas l’autorité des rois en la combattant dans ses excès, mais au contraire on la soutient en lui résistant : comme on voit dans un édifice les arcs-boutans soutenir la masse, bien qu’ils semblent lui résister. Comment ce droit du parlement d’arrêter l’effet de certains actes des princes affaiblirait-il leur autorité, puisque ce droit émane de la couronne elle-même? Les vrais ennemis du roi, ce sont ces flatteurs dont les conseils et les maximes, semblables aux remèdes des médecins empiriques, n’apportent aucun soulagement à l’état ; ce sont ces courtisans qui approchent de l’oreille des souverains, qui surprennent sa religion, qui l’irritent contre les discours les plus innocens et les actes les plus sages de cette compagnie. Oui, messieurs, il est des occasions où le meilleur moyen de servir les princes, c’est de leur désobéir. »

Une question primait alors toutes les autres par sa gravité et provoquait un conflit qui alluma la guerre civile. Le ministère aurait-il raison de l’édit d’union, ou cet édit triompherait-il du ministère? Les quatre compagnies souveraines, le parlement, la chambre des comptes, la cour des aides, le grand conseil, concertant leurs efforts, imposeraient-elles à la régente ce plan de réformation générale qui, touchant à l’essence même de l’institution monarchique, substituait à la royauté absolue une royauté parlementaire? Mandé auprès de la reine et réprimandé, le parlement reçut l’ordre d’inscrire sur ses registres l’arrêt du conseil qui cassait l’édit. L’avocat général, Omer Talon, dans un discours étudié que citent ses Mémoires, fit un tableau effrayant des conséquences d’une telle nouveauté : « Quoi! messieurs, dit-il, ne voyez-vous pas que vous introduiriez dans notre monarchie une république! » Défenseur de l’union, Broussel réfuta ces alarmes sincères ou feintes et, prenant l’offensive, dénonça comme un outrage l’ordre infligé au parlement. « Messieurs, dit-il, persévérons dans l’alliance et soutenons l’entreprise; jamais nos meilleurs rois n’ont interprété les intentions