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de Cologne, et Jean, duc de Brabant (5 juin 1288). L’intercession du Christine influa, dit-on, sur l’issue de cette bataille; elle sauva de l’enfer plusieurs de ceux qui y figurèrent en prenant pour elle les supplices qu’ils avaient mérités. Passé cela, elle vécut tout à fait en paix. Ce qui eut peut-être plus d’importance que la bataille de Woringen pour la guérison de Christine, c’est qu’elle eut cette année-là quarante-six ans et surtout qu’elle venait probablement d’apprendre la mort de Pierre. Sans le vouloir, ce dernier entretenait, par son admiration naïve, un état funeste à la guérison de son amie.

Le volume des Bollandistes contenant ces curieux écrits parut à temps pour que le père Échard pût les lire, et les soumettre à une censure lumineuse dans le tome Ier des Scriptores ordinis Prœdicatorum. Il y releva plusieurs suppositions erronées, où Papebroch avait été entraîné par la connaissance insuffisante qu’il avait de l’histoire intérieure de l’ordre des dominicains.

Christine vécut vingt-quatre ans encore dans les exercices d’une piété moins extraordinaire que celle qui avait fait sa célébrité. Son tempérament trouva enfin le calme, comme le prouve l’âge avancé où elle parvint. Elle mourut le novembre 1312. On l’enterra simplement au cimetière de Stommeln ; mais bientôt le bruit des miracles qui s’opéraient par son intercession attira l’attention sur son tombeau. Vers 1315 ou 1320, son corps fut relevé et placé dans l’église de Stommeln. En 1342, il fut transporté à Nideggen, sur la Roer, et, vers 1584, à Juliers, où il repose encore aujourd’hui, dans un petit mausolée, à l’entrée du chœur. Son culte est toujours, dans le pays, l’objet d’une grande dévotion, bien que les commencemens de procédure pour la canonisation qui furent faits peu après sa mort n’aient jamais eu de suite. C’est par les stigmates de sainte Catherine de Sienne que l’ordre de Saint-Dominique prit définitivement sa revanche des stigmates de François d’Assise. La mémoire de Christine est rapportée, non au jour de sa mort, mais au 22 juin, qui fut peut-être le jour de la translation de son corps à Juliers.

La réputation de la sainteté de Christine ne s’étendit guère en dehors de la région de Clèves et de Juliers. On l’a souvent confondue avec Christine de Saint-Trond, et, comme celle-ci a été plus célèbre, c’est elle qui, selon ce qui a coutume d’arriver en hagiographie, a en quelque sorte absorbé son homonyme. Ainsi les stigmates que l’on a prêtés à Christine de Saint-Trond sont une sorte de larcin fait à Christine de Stommeln. Les Bollandistes ont démontré que sainte Christine de Saint-Trond ne passa jamais pour stigmatisée. Le titre de sponsa Christi, lequel impliquait jusqu’à un certain