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politique. À peine nos collégiens auront-ils quitté les bancs, qu’ils feront de la politique, bonne ou mauvaise ; ils en font déjà parfois sur les bancs mêmes. Leurs maîtres seront alors les pires maîtres de tous : les journaux. On sait où aboutit chez nous cette absence d’éducation politique, qui livre sans défense les jeunes esprits à toutes les utopies des uns et à tous les préjugés des autres. N’y a-t-il donc pas dans la politique des vérités générales qui ont leur certitude ou leur probabilité scientifique, et qui par cela même peuvent être objet d’enseignement ? N’y a-t-il pas tout au moins des faits qui doivent être connus de tous, à savoir nos institutions mêmes bonnes ou mauvaises ? On enseigne aux élèves (sans aucun des périls sociaux qu’on avait craints d’abord), l’histoire contemporaine ; pourquoi leur laisserait-on ignorer nos institutions actuelles, résultat de cette histoire même ? Notre constitution a ses principes philosophiques ; ces principes doivent être énoncés ; elle a ses règles pratiques et son fonctionnement ; ces règles et ce fonctionnement doivent être enseignés. Si l’état ne fait pas connaître à ceux qu’il a charge d’instruire les bases mêmes sur lesquelles il repose, comment qualifier cet oubli ? L’état serait-il fondé ensuite à se plaindre que les congrégations font pénétrer ses propres ennemis dans tous les services publics, qu’elles élèvent une jeunesse toute prête à détester et, au besoin, à renverser nos institutions, dont elle ne comprend ni les principes théoriques, ni les applications pratiques ? L’étude des fondemens sur lesquels s’appuie la constitution de l’état est, comme on sait, obligatoire aux États-Unis, en Suisse et même en Belgique, où le suffrage universel n’existe pourtant pas encore ; elle est obligatoire non-seulement pour l’enseignement secondaire, mais aussi pour l’enseignement primaire. En France, une telle étude est plus nécessaire que partout ailleurs. Elle devra comprendre les matières suivantes, que nos professeurs actuels sont encore obligés de n’aborder qu’indirectement et à propos de la morale : — Définition et objet de la science politique. Nature, origine et attributions de l’état. Différence de l’état et du gouvernement. Origine et attributions du gouvernement. Liberté individuelle et souveraineté nationale. Sens vrai et sens faux dans lequel on peut prendre l’expression de souveraineté du peuple. Dangers des systèmes abstraits et absolus. Différens pouvoirs de l’état: pouvoir législatif, pouvoir exécutif, pouvoir judiciaire. — Organisation du pouvoir législatif. Principe idéal de l’unanimité, substitution nécessaire dans la pratique du principe des majorités au principe de l’unanimité. Fondement rationnel et limites rationnelles du pouvoir des majorités. Système des deux chambres : sénat et chambre des députés ; fondement rationnel de ce système. — Organisation du pouvoir exécutif.