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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/382

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faire suyvre sans argent et par la seule affection à sa personne et à son parti. » Son fils et son petit-fils devaient naître sur le trône, Henri IV eut pour destin de courir longtemps après la fortune. — « Tout contribua à le former au monde, continue l’auteur du Parallèle, aux troupes, à la politique, à la guerre, à lui aiguiser l’esprit et le courage, besoins, dangers de toutes espèces, partis, nécessité, indigence, situations continuellement forcées, commerce habituel et indispensable avec les hommes les plus versés au grand en armes et en politique, et parmy ceux de son parti, avec des gens aussi intéressés pour eux-mêmes que pour luy à mettre tous leurs talens en œuvre pour en faire un grand homme qui put faire, par les siens, substituer et triompher leur parti. » (P. 17.)

« C’est dans ce courant d’années si fâcheuses et si dures qu’Henri IV apprit à connoître les hommes, à n’en point prétendre trouver de parfaits, à ne se dégoûter pas de leurs défauts, à rechercher avec soin l’esprit, le mérite, la capacité, au lieu de les écarter et de les craindre et à traiter affaire luy-même avec beaucoup de gens, pour les sonder, pour les reconnoître, pour en puiser des lumières, pour n’estre pas sur chacune entre les mains d’un seul, mesme d’un petit nombre et n’estre gouverné sur rien par personne, mais puiser pour ainsi dire contradictoirement de plusieurs de quoy se décider pour conduire les différentes sortes d’affaires et sçavoir se conduire luy-même dans l’infinie diversité des choses, des conjonctures et de leurs complications. » (P. 128.)

La jeunesse d’Henri IV et les efforts de ce prince pour conquérir sa couronne, séduire ses sujets ou les vaincre excitent à maintes reprises la verve de l’écrivain. Il y voit l’origine de sa fortune et l’apprentissage de son génie. Tient-il assez de compte des qualités natives du Béarnais? Mesure-t-il tout ce que lui ont valu l’esprit, le charme, le coup d’œil sur le champ de bataille, ce merveilleux ensemble de dons naturels que l’éducation ne donne pas et qui lui ont assuré avec la victoire le cœur de ses sujets? Toutes ces qualités étaient en germe chez le fils de Jeanne d’Albret, dès les premières années de sa vie. Amené du Béarn en 1558 à la cour d’Henri II, le regard éveillé de l’enfant attirait déjà l’attention. On raconte que l’ambassadeur de Philippe II, observant les jeux des jeunes princes, en fut frappé ; malgré la bonne mine de ceux qui devaient régner sous le nom de Charles IX et d’Henri III, il avait remarqué le futur roi de Navarre dont les yeux perçans pétillaient. Dès le plus jeune âge, il avait en lui ces dispositions naturelles qui furent développées et, en cela Saint-Simon dit vrai, « par la passion et l’intérêt de tous d’avoir un héros à la tête de leur parti. Par sa bravoure, l’aiguillon de sa gloire, son audace à prodiguer sa vie en simple gendarme, il conquit l’amour de ses troupes, »