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c’est ce qui d’âge en âge va toujours croissant, fondé sur cet exemple. » Saint-Simon ne manque pas d’énumérer les passions successives d’Henri IV, et il n’a pas de peine à mettre en lumière les dangers que firent naître les promesses de mariage à Gabrielle d’Estrées et à Henriette d’Entraigues, les intrigues qui en furent la suite et les ambitions désordonnées des enfans nés de ces déplorables unions.

Il ne passe pas sous silence les causes qui doivent atténuer le jugement de la postérité : les ardeurs d’un tempérament sans frein, son premier mariage constamment malheureux, un séjour corrupteur à la cour de Catherine, et par dessus tout le caractère de la reine : « Marie de Médicis, dit-il, impérieuse, jalouse, bornée à l’excès, toujours gouvernée par la lie de la cour et de ce qu’elle avoit amené d’Italie, a fait le malheur continuel d’Henri IV et de son fils et le sien mène, pouvant être la plus heureuse femme de l’Europe, sans qu’il luy en constat quoy que ce soit que de ne s’abandonner pas à son humeur et à ses valets. Henri IV, tout occupé du gouvernement et de ses plaisirs, sentoit tout le poids du domestique le plus désagréable. Il accordoit tout à la reine et aux dominateurs de son esprit, partie par crainte du fer et du poison, partie pour avoir repos et patience. La reine estoit maîtresse de ses enfans et de sa cour particulière sans en être de plus douce humeur avec le roi. Le peu qu’en dit M. de Sully dans ses Mémoires fait sentir quelle estoit la terrible humeur de la reine et quelle l’audace de ces âmes viles et mercenaires qui la gouvernoient. (P. 7.)... La plus funeste faute d’Henri IV fut de n’avoir pas renvoyé de Marseille toute sa suite italienne. » (P. 145.)

Le portrait qu’il trace de Marie de Médicis ne rend pas Saint-Simon plus indulgent pour la conduite du roi, car il ajoute aussitôt, en forme de conclusion : « Ce n’est pas que je prétende excuser ce tissu de maîtresses qui l’accompagna ou, pour mieux dire, le conduisit à la mort, moins encore ces promesses de mariage et leurs terribles effets auxquels on ne peut donner de nom. » (P. 102.)

L’indignation qui s’empare de Saint-Simon chaque fois qu’il parle des faiblesses d’Henri IV n’altère pas la sérénité de l’historien quand il aborde l’examen du gouvernement.

Après avoir donné des louanges à l’abjuration, qu’il appelle en passant un admirable « coup d’état et de religion, » l’auteur du Parallèle arrive à l’édit de pacification, sur lequel il s’étend plus longuement. « On doit, dit-il, regarder l’édit de Nantes comme un chef-d’œuvre de politique et de grand sens, si on se place dans le point de perspective du temps qu’il fut fait; on verra combien il étoit nécessaire de fixer l’état de la religion et combien difficile de