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tout le cours de leurs règnes et jamais toute l’Europe à la fois sur les bras. Cette politique ne fut pas celle de Louis XIV. Il en eut peu lors de ses premières guerres et les perdit bientôt. L’alarme et la jalousie de ses succès fut d’un merveilleux usage à un génie du premier ordre, outré de n’avoir pu par la longueur de sa patience et les tentatives les plus réitérées de soumission et de respect, émousser la haine personnelle de Louis XIV qui lui donnoit sans cesse des traverses et des marques publiques de son mépris, ce grand génie, je veux dire le fameux et dernier prince d’Orange, s’estoit acquis un grand crédit dans toutes les cours de l’Europe, et un si absolu dans les Provinces-Unies qu’il en estoit devenu comme entièrement le maistre. Il sut si bien profiter de tous ces avantages pour se venger personnellement de Louis XIV qu’il ourdit contre lui la formidable ligue d’Augsbourg qui le porta sur le trône d’Angleterre. » (P. 320.) « Henri IV et Louis XIII ont fait de grandes guerres, toutes nécessaires, toutes utiles. Celles de pure parade leur ont toujours été inconnues. Ils ont cherché à s’avantager, à se garantir, à vaincre, jamais à exciter l’envie, ni la jalousie, jamais de parades de puissance qui ne sont bonnes qu’à irriter et à rallier contre soi, sous le trop plausible prétexte de la crainte qu’on en doit concevoir. » (P. 326.)

Après avoir admiré les vertus militaires d’Henri IV, étudié si attentivement le rôle de Louis XIII dans les campagnes auxquelles il prit part, Saint-Simon se demande ce que fut l’action personnelle de Louis XIV. Il le suit dans ses diverses campagnes et prononce en terminant ce jugement sévère : « Henri IV et Louis XIII avoient toujours véritablement fait la guerre : Louis XIV ne fit jamais que l’aller voir. » (P. 409.)

Nous omettons les développemens que l’auteur du Parallèle donne aux affaires du dehors pour revenir avec lui dans l’intérieur du royaume. Deux questions l’émeuvent particulièrement : la puissance des intendans et la révocation de l’édit de Nantes. Le titre d’intendant de justice, police et finance remontait très haut, mais sous Colbert, leur autorité réelle était de fraîche date. Si, dès le Valois, les provinces connurent les premiers intendans, cette institution ne fut étendue et fixée que beaucoup plus tard. Développés par Henri IV, fortifiés et non créés par Richelieu, qui les soutint de sa main de, fer dans les coups d’autorité qu’il leur enjoignait de frapper, ces officiers à compétence universelle devinrent peu à peu l’organe nécessaire et permanent du pouvoir. Colbert leur donna une extension nouvelle. « Les intendans, dit Saint-Simon, encore rares et peu puissans, ont été peu en usage avant ce règne. Le roi, et plus encore ses ministres de la même espèce que les intendans, les multiplièrent peu à peu, fixèrent leurs généralités, augmentèrent