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et se fédérèrent sous le nom de Fascio operaio. Le 12 mars 1872, elles tinrent un congrès à Bologne, où treize villes furent représentées. Le 6 août, les délégués du Fascio operaio se réunirent de nouveau à Rimini pour déclarer « à la face des travailleurs du monde entier » que la fédération italienne rompait avec le conseil général de l’Internationale. Les socialistes italiens se séparaient définitivement de Marx et se prononçaient pour Bakounine, qui avait été en effet leur messie. Depuis que l’Internationale a cessé d’exister, on a continué à donner ce nom aux associations socialistes, et du reste elles s’appellent elles-mêmes Sections de la fédération italienne de l’association internationale des travailleurs. Leur nombre n’a cessé de croître en Italie. On peut affirmer qu’il en existe dans presque toutes les villes. Dans ces derniers temps, pour échopper aux rigueurs de la police, elles prennent le nom de « Cercle pour les études sociales. » Elles publient de temps en temps des manifestes et se réunissent parfois en congrès régionaux. Elles font une propagande active. Quoique le statut italien n’ait pas proclamé la liberté d’association en même temps que les autres libertés nécessaires, l’exercice de ce droit est entré dans les mœurs et il est reconnu en pratique comme garanti par la constitution. Pour atteindre les associations dites internationales, la jurisprudence a dû les considérer comme des associations de malfaiteurs préparant des crimes de droit commun, l’assassinat et le vol[1]. C’est à ce titre qu’on les dissout et qu’on fait le procès à leurs membres. En 1874, on procéda à l’arrestation de toutes les commissions provinciales, à la dissolution forcée de toutes les sections et au séquestre des registres et des papiers. Mais souvent le jury acquitte. Ces poursuites ne servent qu’à les transformer en sociétés secrètes, ce qui augmente beaucoup leur prestige, leur influence et leur popularité, car elles répondent bien mieux ainsi

  1. Le 14 août 1871, un arrêté ministériel déclarait dissoute la section de Naples, « considérant que la société internationale des travailleurs, par ses principes et par ses actes, constitue une attaque permanente contre les lois et les institutions fondamentales de la nation et est un péril pour l’ordre public, que le gouvernement doit maintenir. » La jurisprudence des cours suprêmes a admis cette interprétation des lois existantes. Récemment encore la cour de cassation de Florence, par un arrêt en date du 5 février 1879, décidait que : « À tout individu appartenant à une association internationaliste on peut infliger l’admonition, attendu que ces associations peuvent être considérées comme composées de malfaiteurs, et leurs membres sont par conséquent soupçonnés de préparer des attentats à la vie et à la propriété des personnes. » Pour l’histoire de l’Internationale en Italie, outre le livre déjà cité de Rudolph Meyer, on peut consulter Eugénie Forni, l’Internazionale è lo Stato ; Tullio Martello, Storia dell’ Internazionale, et Jahrbuch der Sozialwissenschaft, von Dr Ludwig Richter, 1879.