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consentir à ce qu’on grève en même temps les mêmes revenus de cinq contributions directes différentes, ce serait monstrueux !

Nous posons donc en fait que si, à la rigueur, les impôts sur les revenus fonciers, mobiliers et industriels et l’income-tax peuvent coexister, il est absolument impossible d’appliquer simultanément cette dernière taxe et les impôts sur les loyers et sur les portes et fenêtres.

Nos taxes générales, superposées aux impôts spéciaux directs, sont exactement l’équivalent de l’income-tax; elles sont assises exactement sur les mêmes revenus qui servent de bases à ce dernier impôt : cependant avec cette aggravation qu’elles frappent une seconde fois des revenus qui, en Angleterre, ne sont soumis qu’à un seul impôt direct. Elles en différent au fond sur un point : l’income-tax n’atteint généralement que les revenus au-dessus d’un minimum déterminé, tandis que les taxes françaises grèvent tous les revenus sans exception. Mais, dans un pays où l’égalité est la base de la législation financière, on pensera, sans doute, que cette différence ne doit pas être une cause de préférence en faveur de l’impôt anglais. Nous ajoutons qu’en France, où la propriété, l’industrie ou le commerce sont extrêmement divisés, si on exemptait les petits revenus, les deux tiers des revenus fonciers et les trois cinquièmes des revenus industriels et commerciaux échapperaient à cet impôt, qui, par suite ne pourrait être productif qu’à la condition que le taux en fût très élevé. L’exonération des petits revenus a un autre danger. Dans un pays de suffrage universel, comme la France, il n’est pas sans péril d’établir des impôts dont la plus grande partie de la population serait affranchie, car la majorité pourrait écraser à son profit les classes aisées de charges dont elle ne supporterait pas sa part.

L’income-tax diffère davantage de nos taxes générales, par les moyens employés pour la fixation du chiffre des revenus, et par les formes de la perception; sous ce rapport, elle a théoriquement un avantage incontestable, car la constatation directe des revenus est évidemment, en principe du moins, un moyen plus exact que l’évaluation basée sur des signes présomptifs. Cependant, même à ce point de vue, il ne faut pas donner une trop grande supériorité à l’income-tax. D’une part, le chiffre des loyers», le confortable, le luxe de l’existence, sur lesquels nos taxes générales sont assises, sont justement considérés comme des signes extérieurs qui fournissent assez exactement l’indication de l’aisance ou de la richesse relative des familles et donnent à ces impôts une hase équitable.

D’un autre côté, les déclarations des contribuables, malgré le contrôle de l’administration, donnent lieu à des fraudes excessives