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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/681

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Les mouvemens sont pris à leur origine et dans leur acception la plus franche, en correspondance parfaite avec le jet des figures et les intentions qu’elles manifestent, et si les simplifications de la forme semblent parfois un peu ingénues, du moins elles partent toujours d’un principe juste et sain. C’est ainsi que l’artiste arrive à exprimer clairement sa pensée, avec une noblesse familière qui vous ravit. S’il réveille à la fois en vous les impressions élevées de la nature et les meilleurs souvenirs de la poésie, c’est que vous goûtez devant ses œuvres la double séduction d’un talent resté simple, mis au service d’un esprit cultivé.

De tout temps, les données empruntées à l’antiquité profane ou sacrée ont offert aux arts les inspirations les plus riches et les plus variées. Elles ont l’avantage de présenter des types connus, qui parlent clairement aux yeux et autorisent par leur caractère et par les traditions qui s’y rattachent le recours à des modes d’expression supérieurs à ceux que fournit la seule réalité. Très arrêtées dans leurs lignes principales, ces données laissent cependant aux artistes qui se proposent de les traduire une latitude d’interprétation assez grande pour que, malgré les œuvres nombreuses qu’elle ont déjà suscitées, il soit permis d’y revenir toujours, avec l’espoir d’en imaginer des représentations nouvelles. Il est intéressant de suivre ces tentatives de rajeunissement pour des sujets aussi rebattus, de voir jusqu’à quel point elles sont légitimes et quels aspects jusque-là restés dans l’ombre ou quelles significations imprévues elles nous en révèlent. C’est par un retour direct à la nature que M. Cazin s’est proposé de renouveler les sujets que lui a fournis la Bible. L’essai est louable, et on ne saurait nier le talent qu’il y a mis. Mais sans tenir plus de compte qu’il ne faut des préoccupations de l’ethnographie, ni surtout des conventions académiques, il est difficile d’accepter les types que nous offre M. Cazin. A. part la figure d’Ismaël se serrant contre sa mère, figure d’un sentiment touchant et d’une simplicité charmante, ces types répondent mal à notre attente. La Genèse nous semble par trop désorientée avec ces personnages si évidemment empruntés à notre temps et à notre pays et qui nous apparaissent au milieu de campagnes que la France réclame. A moins d’une forte dose de complaisance, ce jeune Tobie qui, à la façon de nos troupiers en congé, emporte au bout d’un bâton son menu bagage enfermé dans un mouchoir de cotonnade; ce petit étai)g au lx)rd duquel il rencontre l’ange; cette maison au toit rose qui, là-haut sur la colline, semble quelque honnête établissement où nos deux voyageurs pourront se restaurer, tout cela nous paraît peu fait pour procurer l’illusion des textes sacrés. Est-ce candeur ou excessive recherche? Nous ne savons. Mais si les figures, chez M. Cazin, prêtent à la critique, le talent du paysagiste