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est de premier ordre, et il y a dans les vastes espaces de la Terre une entente de la lumière et une impression de grandeur et de solitude tout à fait remarquables. La poésie de l’exécution, la largeur du parti, la simplification des formes et l’atténuation raisonnée des nuances dénotent de la part de l’artiste cette franche acceptation de l’infériorité des ressources matérielles de la peinture comparées à celles de la réalité et procèdent d’une entente élevée et très originale des principes mêmes de son art.

M. L.-P. Robert, lui aussi, est un paysagiste. Ses grands sapins qui montent drus et puissans vers le ciel et le velours des mousses dont il étend à leurs pieds le riche tapis rappellent, sous des aspects nouveaux, les qualités pittoresques que nous avaient révélées, il y a plusieurs années, ses Zéphyrs du soir. La seule beauté de la nature suffisait à cette forêt dont M. Robert a tenu à nous présenter les Génies. Il s’est donc efforcé de les figurer pour nous par des personnages symboliques dont les attitudes, la conformation et le degré même d’embonpoint ou de maigreur ont la prétention de nous offrir des analogies avec les différentes essences des arbres, leur port et leurs dimensions elles-mêmes. M. Robert aurait dû être averti de la puérilité d’une semblable poursuite par la nécessité où il s’est trouvé d’en attester la clarté au moyen d’inscriptions et de renvois placés au-dessous de son œuvre, en regard de chacune des essences qu’il a voulu caractériser. Les allégories doivent être assez évidentes pour se passer de pareilles explications. Il n’y faut point raffiner, et si M. Robert persiste à appuyer les paysages qu’il sait si bien peindre de commentaires qui, jusqu’à présent du moins, m lui ont pas trop réussi, il fera sagement désormais d’y mettre plus d’à-propos et de simplicité.

C’est pour la première fois, croyons-nous, que le nom de M. Popelin paraît à nos Salons. Il convient de le retenir, et son Sacrifice à Esculape nous révèle déjà le talent d’un très fin coloriste. Le corps du jeune garçon qui se hausse jusqu’à l’autel du dieu, un coq à la main, est délicatement modelé et forme avec les blanches intonations de l’architecture et l’azur de la mer un délicieux contraste. Quelques fleurs semées çà et là, discrètement et avec goût, ajoutent à cet ensemble leur appoint de grâce et de fraîcheur. Il semble au contraire que le souffle desséchant de l’archéologie ait passé sur les Saisons de M. lima Tadéma, que nous avons vu souvent mieux inspiré. Les carnations de ses personnages, jaunes et éteintes, se démêlent parfois difficilement des fonds de marbre dont l’artiste se plaît un peu trop à les accompagner. Leurs gestes et leurs poses gagneraient aussi à être un peu moins contournés, surtout chez cette femme de visage masculin qui se tord si bizarrement dans sa robe vineuse, sous prétexte de nous représenter l’Automne.