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guère permis d’en jouir, sont condamnées à une détérioration dont les traces nous paraissent même déjà appréciables.

La sincérité entière, le charme discret, la mesure exquise et ce doux parfum de simplicité, de naturel et de poésie qu’il met dans ses œuvres ont fait à M. Dubois une place à part, non-seulement parmi les sculpteurs, où il est au premier rang, mais dans cette élite de nos portraitistes à laquelle, vous le savez, ni le nombre ni l’éclat du talent ne fait défaut. C’est un peintre singulièrement habile que ce statuaire. Pourtant on ne songe guère à son habileté, tant elle reste chez lui modeste, attentive à s’effacer au profit de ses modèles. C’est à les faire connaître qu’il s’applique tout entier, et il estime qu’en laissant de son mieux paraître leur personne, il aura donné de son talent la plus complète expression. Il a trouvé des secrets pour peindre sur un visage humain la bonté, l’élévation morale, cette distinction intime que donne la noblesse du cœur unie à la culture de l’esprit, et par des touches inimitables, il rend évidentes aux yeux de tous les bonnes habitudes de la pensée et la claire transparence des âmes qui n’ont rien à cacher. « Ce sont des demoiselles bien comme il faut, » disait à côté de nous, en face du plus important tableau de M. Dubois, un de ces visiteurs du dimanche dont les appréciations ne comptent guère. Dans la naïveté un peu vulgaire de sa forme, le propos nous a paru aussi bon à recueillir et à citer que l’éloge le plus flatteur. Il est en effet charmant ce groupe des deux sœurs qu’a peintes M. Dubois. Habillées qu’elles sont pareillement de gris, leur costume n’a rien de bien rare, ni dans la coupe, ni dans la couleur de l’étoffe! Mais avec quel tendre abandon elles sont appuyées l’une à l’autre. Quelle sûre et mutuelle affection ! Quels bons regards ! Les visages se ressemblent; ce sont bien là deux sœurs, et cependant quelle intime expression de la personnalité de chacune d’elles ! L’aînée plus réservée, plus sérieuse; l’autre plus expansive, la bouche faite pour sourire et les yeux tout pleins d’une aimable malice. Notre homme avait décidément raison, et nous ne saurions mieux que lui louer M. Dubois.

C’est à ce même monde, distingué, mais modeste en ses allures et tenant peu au paraître, qu’appartient la jeune fille que nous montre M. Fantin-Latour. Elle est, elle aussi, simplement vêtue, et on ne songe guère non plus à son costume. Le regard va droit à ces yeux qui vous regardent franchement, sans hardiesse, sans embarras, à ce visage loyal que l’artiste a représenté de face. Les traits fins et réguliers marquent une calme possession de soi-même, et un duvet presque imperceptible qui s’indique vaguement au-dessus de la lèvre supérieure donne un petit air de déci-ion à cette physionomie dont l’expression générale reste cependant douce et