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désignation : le Bas-Empire. Le titre devient ambitieux et la prétention excessive. Ce n’est pas que l’œuvre en elle-même soit indigne de M. Laurens; on y retrouve au contraire aussi puissantes que jamais les qualités qui ont fait sa réputation : l’originalité, la force d’un dessin nerveux et expressif et une certaine âpreté de couleur qui s’allie chez lui à des délicatesses charmantes. Tout cela est dans l’Honorius, et nous ne faisons même aucune difficulté de reconnaître le contraste saisissant que présente oe pauvre être, à peine sorti de l’enfance, d’aspect inintelligent et vulgaire, avec la grandeur un pouvoir dont il porte les attributs dans ses mains débiles: le glaive, symbole du commandement militaire, et le globe qui, avec la domination d’un vaste empire, marque la protection des intérêts les plus augustes. Le rapprochement est significatif. M. Laurens l’a exprimé avec le talent qui lui appartient, car M. Laurens est un peintre, et s’il n’avait déjà si souvent et si bien fait ses preuves, le petit portrait de Mlle T. que vous pouvez voir tout près de là, avec son profil si caractérisé et l’abondance rebelle de sa chevelure, suffirait dans sa facilité libre et forte à lui assurer ses lettres de maîtrise. Mais quant à ce personnage d’Honorius, tout au plus consentirions-nous à y voir le fragment d’un tableau qui nous paraît devoir tenter M. Laurens en lui fournissant l’occasion naturelle de ces restitutions archéologiques dans lesquelles il mêle aux résultats des recherches de U science des inventions très personnelles, d’un goût sévère, et dont la précision ajoute à la vraisemblance. L’artiste alors pourrait laisser à autrui, et en toute confiance, le soin de juger la portée d’une telle œuvre. Mais le public n’aime pas être devancé sur ce point, et cette, appellation de Bas-Empire n’est qu’un fardeau de plus ajouté à ceux qui accablent déjà Honorius. Le procédé de généralisation qui consisterait à caractériser ainsi une époque et quelle époque ! au moyen d’un seul personnage a paru ici un peu trop expéditif. M. Laurens a assez de talent pour rester modeste dans le choix de ses titres.

En nous promettant moins, M. Luminais a dépassé sa promesse, et nous ne pensions guère, en vérité, qu’il pût nous intéresser avec les Énervés de Jumièges. Les fils de Clovis II sont bien loin de nous, et leurs compétitions comme leurs malheurs semblent peu faits pour émouvoir notre génération. Nous nous croyions préparés d’ailleurs à toutes les révélations que M. Luminais pouvait avoir à nous communiquer sur leur compte. Ce n’est pas d’aujourd’hui, en effet, qu’il s’applique à retracer les vieux temps de notre histoire et que, remontant jusqu’aux origines de notre nation, il vit eu commerce familier avec nos ancêtres. Mainte fois déjà, il nous a représenté leurs ruses, la cruauté de leurs mœurs, leurs accoutremens bizarres avec les types un peu sauvages qu’il a accrédités