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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/724

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à ses négociations avec la curie romaine, au moyen de suspendre ou d’abroger en partie les lois de mai sans les désavouer, surtout sans paraître rendre les armes. On le savait à peu près sans avoir le secret du travail qui s’accomplissait ; on pouvait tout au plus soupçonner un dénoùment imminent ou quelque prochaine péripétie lorsque le coup de théâtre a éclaté tout récemment, dès l’ouverture du Landtag prussien, par la présentation d’un projet consistant à faire du gouvernement l’arbitre facultatif et discrétionnaire de l’exécution des lois de mai.

Ce n’est pas visiblement d’aujourd’hui et par une seule raison que M. de Bismarck a cette idée de rétablir la paix religieuse si singulièrement troublée à la suite des étonnantes fortunes de l’Allemagne, de mettre fin aux conflits engagés par les lois de 1873 et 1874. Il a eu vraisemblablement cette pensée dès l’avènement du nouveau pape Léon XIII avec qui il a espéré arriver plus aisément à une conciliation. Les agitations socialistes et révolutionnaires qui se sont traduites un instant par des attentats réitérés contre l’empereur n’ont pas peu contribué sans doute à tourner son esprit vers d’autres ennemis et à le faire réfléchir sur le danger de pousser plus loin la campagne contre l’église. Les résistances croissantes qu’il a rencontrées parmi ses alliés, les libéraux-nationaux, pour ses mesures de répression comme pour ses lois économiques et financières, la nécessité de chercher d’autres appuis parmi les conservateurs, dans le centre catholique parlementaire, pour les combinaisons de sa politique, tout cela l’a conduit à une évolution plus décidée. Ce mouvement était déjà sensible dès la fin de l’année dernière et par l’entrée de M. de Puttkamer au ministère des cultes de Berlin et par l’espèce d’entente qui s’était établie un instant, à l’occasion des lois douanières, entre le chancelier et le parti du centre catholique. Tout se réunissait pour préparer le rétablissement de la paix religieuse par une modification ou un adoucissement quelconque des lois de mai. C’était du moins ce qu’on croyait ; mais comment atteindre définitivement et pratiquement le but ? M. de Bismarck, cela est bien clair, n’a jamais entendu se rétracter, faire amen le honorable et pour tout dire, « aller à Canossa, » comme on l’a si souvent répété. Il a cru d’abord que le meilleur moyen serait une négociation avec la cour de Rome. Cette négociation paraissait jusqu’à un certain point facilitée par une lettre que le pape avait adressée à l’archevêque de Cologne, et par le fait elle a été engagée ; elle s’est poursuivie pendant quelque temps à Vienne entre le prononce Mgr Jacobini et l’ambassadeur d’Allemagne, le prince de Reuss. Malheureusement ce n’était pas, à ce qu’il paraît, la meilleure voie. On n’a pas tardé à s’apercevoir que la conciliation était toujours difficile, même entre le pape le plus modéré et le chancelier le plus réactionnaire ou le plus dénué de préjugés. M. de Bismarck a commencé à croire qu’on voulait lui arracher plus qu’il ne