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donnée, par la force de gouvernement qu’elle avait créée ; elle survivait surtout par cette légion d’hommes, divers d’origine, de talent et de caractère, mais liés par un même sentiment et rassemblés quelques mois plus tard, le 11 octobre 1832, dans un ministère qui n’était encore que le ministère Perier continué, qui a été, à vrai dire, le second fondateur de la monarchie de juillet.


II.

Au moment où se formait le cabinet du 11 octobre 1832, six mois étaient déjà passés depuis la mort de Casimir Perier : six mois qui n’avaient pas été un repos, pas même une trêve, puisqu’on avait eu à tenir tête à l’insurrection républicaine du 5 juin et à un commencement d’insurrection vendéenne, — mais qui ressemblaient un peu à un interrègne ministériel. La politique du 13 mars était restée, sous la garde du roi, l’inspiratrice du gouvernement, surtout du jeune et courageux ministre de l’intérieur, M. de Montalivet, qui avait accepté par dévoûment un poste de péril; — Casimir Perier lui-même n’avait pas de successeur. On le sentait à certaines oscillations d’autorité, on sentait aussi qu’en se prolongeant cette sorte de provisoire pourrait n’être pas sans péril. De là était né le ministère du 11 octobre 1832, qui, à défaut du chef disparu, formait le plus puissant faisceau de forces et d’intelligences, qui réunissait les hommes les mieux faits pour soutenir les mêmes luttes contre les mêmes ennemis, sous le même drapeau de résistance : Le maréchal Soult à la présidence du conseil et à la guerre, M. Thiers à l’intérieur, le duc de Broglie aux affaires étrangères, M. Guizot à l’instruction publique, M. Humann, M. d’Argout, M. de Rigny. C’est le cabinet qui, à quelques modifications près, a plus de trois années durant gouverné la France, qui a représenté le régime de 1830 dans son mouvement ascendant et qui reste dans l’histoire la réalisation la plus complète du système parlementaire.

Il faut se rappeler dans quelles conditions s’ouvrait cette phase nouvelle de la politique que Casimir Perier avait inaugurée, que le ministère du 11 octobre, représenté par ce triumvirat de l’intelligence et de la parole, le duc de Broglie, M. Thiers, M. Guizot, allait porter à son point culminant. La révolution constitutionnelle et monarchique de 1830, vigoureusement ramenée à son programme d’ordre intérieur et de paix avec l’Europe, paraissait à demi fixée, maîtresse d’elle-même: elle restait néanmoins toujours en présence de questions extérieures qui n’étaient nullement résolues et d’adversaires irréconciliables, «carlistes, » républicains, qui ne désarmaient