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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/780

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pas, qui se préparaient au contraire à de nouveaux assauts. Ni les difficultés diplomatiques ni l’anarchie n’avaient dit leur dernier mot. Au dehors, il est vrai, la Pologne avait succombé, elle n’était plus qu’un souvenir douloureux revenant de temps à autre dans des discours. Les affaires de Belgique paraissaient réglées par une conférence européenne à Londres et par le congrès belge, par le traité du 15 novembre 1831 et par l’élection du roi Léopold; mais le roi de Hollande, qui n’avait été arrêté une première fois dans ses revendications armées que par une intervention française, refusait de souscrire à ce qu’avait fait la diplomatie et campait menaçant à Anvers. Les troubles d’Italie avaient attiré à Ancône le drapeau français, qui restait en présence du drapeau de l’Autriche. La mort du roi Ferdinand VII d’Espagne allait bientôt soulever une autre question à la frontière des Pyrénées, « dans un pays trop voisin du nôtre, selon le mot du gouvernement, pour que nous ne devions pas y avoir une influence particulière. » Dans ses rapports généraux, la monarchie de juillet était reconnue par l’Europe; mais les puissances absolutistes gardaient encore à l’égard de la France de 1830 une réserve défiante et à demi hostile : elles semblaient vouloir ressusciter une petite sainte-alliance dans une entrevue des souverains à München-Grætz.

Le cabinet du 11 octobre avait à faire face à toutes ces questions indécises, à toutes ces difficultés d’une situation délicate. Nul n’était mieux fait que le duc de Broglie pour être le ministre d’une politique qui, en restant fidèle à la paix, n’hésitait pas à aller trancher définitivement le démêlé belge sous les murs d’Anvers, à couvrir la monarchie constitutionnelle naissante à Madrid du traité de la quadruple alliance, à maintenir la dignité de la révolution de juillet vis-à-vis de l’absolutisme européen. Le duc de Broglie, dans l’œuvre commune du 11 octobre, était l’homme de la paix sans faiblesse, de la fierté sans provocation; mais, sous le 11 octobre comme au 13 mars, la grande question s’agitait visiblement d’abord à Paris. Tout dépendait du degré de force du gouvernement, et M. Thiers ici, comme ministre de l’intérieur, avait nécessairement un des premiers rôles à côté du duc de Broglie et de M. Guizot.

M. Thiers avait singulièrement mûri dans les luttes parlementaires depuis un an. Il était désigné pour le pouvoir; il entrait au ministère comme homme de tribune et d’action contre les partis, contre les agitations «carlistes, » contre les agitations républicaines, et du premier coup, à peine nommé ministre, il se trouvait en face d’une question aussi redoutable que délicate: c’était l’état troublé de l’Ouest toujours menacé de la guerre civile par la présence de la duchesse de Berry qui depuis cinq mois était en Vendée, échappant