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chaque nouvel emprunt, la part de l’amortissement était mise de côté. En 1815, le budget annuel de la dette s’élevait à 46 millions de livres sterling, dont 14 pour cette caisse, dont les opérations illusoires rassuraient les contribuables qui ne voulaient pas être effrayés. On convenait, il est vrai, que, pour lui faire produire de l’effet, il fallait, d’année en année, emprunter plus que l’on n’aurait emprunté sans cela. Cette complication n’inquiétait personne. Il y avait dans les chiffres prestigieux de l’intérêt composé une sorte de magie qui aveuglait les plus clairvoyans.

Les revenus publics s’étaient accrus du reste à proportion des besoins. Peut-être faut-il, comme pour la dette, en attribuer le mérite à ce que la Grande-Bretagne s’était habituée depuis longtemps à des budgets réguliers. Les rois d’Angleterre avaient eu jadis des revenus qui leur étaient propres, dont ils acquéraient la jouissance en montant sur le trône et dont ils ne devaient compte à personne. S’ils avaient été sages et modérés en leurs dépenses, il ne leur aurait fallu rien de plus pour subvenir à toutes les charges du gouvernement. Le concours d’un parlement leur aurait été inutile. Cela ne fut pas, heureusement pour l’Angleterre, et l’on a dit avec raison que la nation doit sous ce rapport plus de reconnaissance à ses mauvais qu’à ses bons rois. Les mauvais rois ont rendu le régime parlementaire inévitable. Ce n’est pas le seul paradoxe que nous offre l’histoire de ce pays en pareille matière. Lorsque ses représentans commencèrent à intervenir d’une façon périodique dans le budget des recettes et des dépenses de l’état, les chambres se composaient de propriétaires terriens à l’exclusion de toutes autres classes. Il leur parut avantageux de faire peser les impôts sur toutes les sources de richesses que le fisc peut atteindre de préférence au sol dont ils étaient possesseurs. Les impôts indirects, excise, douanes, bien d’autres encore, reçurent dès cette époque, une extension prodigieuse. On sait que ceux-ci seuls sont élastiques et susceptibles de se développer à proportion des besoins. L’Angleterre s’y était accoutumée lorsque de nouveaux besoins se manifestèrent. Pendant la période des grandes guerres du premier empire, le revenu public fut doublé sans que les contribuables parussent en être écrasés.

En somme, lorsqu’on veut s’expliquer les ressources prodigieuses que le gouvernement anglais a su trouver pour soutenir la lutte contre Napoléon, il faut considérer que nos adversaires étaient en possession, longtemps avant le commencement de cette lutte, d’un système financier bien conçu, et que leurs budgets ne furent alors que le développement des budgets précédens poussés à outrance, comme les circonstances l’exigeaient.

L’attitude de la Banque d’Angleterre durant cette longue crise