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manufactures contribuait, à relever le taux des salaires, à développer la production agricole. Ainsi l’Angleterre prospérait par l’effet même des conditions désastreuses qu’un potentat avait voulu créer autour d’elle.

Par un de ces hasards dont l’histoire des arts et métiers offre de nombreux exemples, plusieurs inventions survinrent à point pour accroître la puissance productive du pays. L’industrie de la laine, qui avait été la plus florissante des temps passés, souffrait parce que la matière première n’arrivait plus du dehors en quantité suffisante et aussi parce que l’agriculture commençait à faire l’élevage des moutons plutôt en vue de la production de la viande que de la toison. Mais l’industrie cotonnière acquérait une importance que personne n’avait prévue. Un parlement de gros propriétaires avait intérêt à imposer des droits d’entrée exorbitans sur la laine étrangère qui lui faisait concurrence ; l’importation du coton lui était indifférente. Le commerce en était donc plus libre. Cependant, aussi longtemps que ce textile dut être filé à la main, le tissage lui-même ne prit guère d’extension, les fabriques anglaises ne pouvaient lutter, à prix égal. de production contre les fabriques de l’Hindoustan, où la main-d’œuvre était à meilleur marché. Hargraves et Arkwright inventèrent la filature mécanique ; un autre perfectionna la machine à carder. Cartwright appliqua la mécanique au tissage. Watt et son associé Boulton construisirent des machines à vapeur qui donnaient la force motrice. Davy inventa la lampe qui porte encore son nom, au moyen de laquelle île mineur exploite avec une sécurité relative les filons de houille d’où se dégagent des gaz délétères. Tous les instrumens de travail perfectionnés se plaçaient l’un après l’autre à la disposition du manufacturier. Il importait peu que certaines industries de luxe, telles que celle de la soie, restassent entravées par le manque de matière première ou par le mauvais goût des ouvriers, puisque les manufactures de textiles plus grossiers suffisaient à l’emploi de tous les capitaux, au travail de tous les bras disponibles.

Les voies de communication ne pouvaient rester, par ce temps de renaissance commerciale, ce qu’elles. avaient été pendant le XVIIIe siècle. Bien que la Grande-Bretagne possède un réseau fort étendu de rivières, l’industrie eût bientôt manqué de place au long des cours d’eau navigables. D’ailleurs les transports entre deux bassins fluviaux limitrophes devenaient indispensables pour la facilité des approvisionnemens. De 1800 à 1820, deux ingénieurs qui s’étaient formés eux-mêmes, Telford et, Mac-Adam, firent pour l’Angleterre ce que le corps des ponts et chaussées avait fait en France le siècle précédent : ils tracèrent des routes à pentes modérées, ils