construisirent des ponts aux passages dangereux des rivières ; ils enseignèrent l’art d’entretenir les chaussées en bon état d’empierrement par une méthode que Trésaguet avait employée le premier dans la généralité de Limoges cinquante ans auparavant. De bons chemins rendirent les charrois moins coûteux et surtout plus rapides. La création plus récente des chemins de fer nous permet d’être dédaigneux pour les vitesses dont nos grands-pères se contentaient ; cependant chacun comprend que, par comparaison avec les anciens moyens de locomotion, il fut déjà merveilleux, vers la fin du règne de George III, de voyager à raison de 15 à 20 kilomètres l’heure. Il ne restait plus qu’un progrès à réaliser, appliquer la vapeur à l’industrie des transports. Ce fut l’œuvre de la génération suivante.
À défaut des voies ferrées, on avait déjà construit des canaux. Le duc de Bridgewater vivait à une époque où, s’il faut croire l’humoriste Sydney Smith, un tiers des hommes de la meilleure société se trouvait dans un état permanent d’ivresse. Il avait un grand nom, une fortune colossale ; malgré tout, devenu misanthrope à la suite d’un amour contrarié, il se retira du monde pour se vouer à l’amélioration de ses immenses domaines. Son père avait projeté d’ouvrir un canal entre l’Irwell et les mines de houille dont il était propriétaire, en vue d’amener le charbon de terre par eau jusqu’à Manchester. L’entreprise avait paru trop audacieuse, car il fallait faire passer ce canal au-dessus d’une rivière. Le jeune duc eut le bonheur, lorsqu’il reprit l’exécution de ce projet, de s’associer l’ingénieur Brindley dont le mérite ne s’était pas encore révélé. Ce premier canal achevé, le duc de Bridgewater, encouragé par le succès, voulut en ouvrir un autre entre Manchester et Liverpool. Les travaux furent longs, coûteux ; ils faillirent épuiser le talent de l’ingénieur et les ressources financières de son noble patron ; mais enfin l’œuvre se termina sans encombre. Bien que les canaux a section réduite creusés à cette époque ne suffisent plus à la circulation prodigieuse du commerce actuel, on doit reconnaître le mérite de ceux qui les premiers osèrent les entreprendre.
L’accroissement de la population dans les grandes villes fut une conséquence presque immédiate de cet essor industriel. Londres avait toujours été très peuplé, au point même que la reine Elisabeth et le roi Jacques Ier décrétèrent qu’il n’y serait plus bâti de nouvelles maisons, précaution inutile, comme on pense. Dès 1811, il s’y trouvait plus d’un million d’habitans ; mais on y aurait en vain cherché des voitures publiques, et le premier bec de gaz venait à peine d’y être allumé ; la police était nulle. C’était néanmoins la ville la plus grande et aussi la plus somptueuse du royaume-uni. Dublin ne dépassait pas 160,000 âmes ; Manchester en avait