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Romains, soit par les Massaliotes, leurs alliés, soit par les tribus gauloises que ceux-ci cherchaient à animer contre lui. Il pouvait bien, de loin, s’attendre à quelque chose de semblable. C’est de propos délibéré qu’il remonta le cours du Rhône pour trouver un point d’accès dans le massif des Alpes, qui le mît à l’abri d’un tel danger. Il aurait peut-être pu s’acheminer sur sa droite par la vallée de l’Eygues et gagner près de Cap cette haute Durance qu’il cherchait à atteindre. Mais alors il fût tombé au milieu des Voconces, dont il préféra longer la frontière, parce que ce canton gaulois manifestait des dispositions hostiles. Reste donc la vallée ou plutôt le bassin de l’Isère.

Ce bassin en effet lui laissait le choix entre trois routes, ou bien la vallée proprement dite de l’Isère ou Tarentaise, ou bien encore la vallée de l’Arc ou Maurienne, ou bien enfin la vallée du Drac.

Mais la Tarentaise l’eût conduit au Petit Saint-Bernard ; de là il serait descendu en Italie par la Dora Baltea, ce qui l’eût détourné considérablement et inutilement de Turin, son objectif. La Maurienne l’eût mené au Mont-Cenis. La vallée de l’Arc qui y donne accès est étroite, torrentueuse, dangereuse ; elle ne permet de passer en Italie que par une route unique. Au contraire, la vallée du Drac menait droit les Carthaginois à la haute Durance, d’où une armée, pour descendre en Italie, peut disposer de sept vallées convergentes.

C’est bien dans cette direction que nous voyons se confirmer les rares indications topographiques des historiens. Si nous consultons les belles cartes de l’ancienne Gaule dues aux laborieuses recherches de M. Desjardins, nous trouvons très exactement les Voconces, ce peuple aux sentimens douteux, établis sur les contreforts qui s’abaissent peu à peu vers le Rhône entre l’Isère et la Durance. Hannibal longera leur territoire et n’y pénétrera pas. Voici les Allobroges, maîtres de l’Ile de Gaule, mais étendant aussi leur domination ou leur clientèle sur plusieurs tribus de la rive gauche de l’Isère ; ce qui nous expliquera pourquoi l’appui de leur chef permettra à Hannibal de faire sans inquiétudes ses premières étapes à l’intérieur des Alpes. Voici les Tricorii, à cheval sur la vallée du Drac et dont Hannibal traverse le pays. C’est en les quittant qu’il va gagner la haute Durance et le pied du Mont-Genèvre, d’où il choisira naturellement la vallée qui le fera descendre le plus directement sur Turin, c’est-à-dire celle du Chisone. Si nous n’étions pas en garde contre les traditions locales, nous dirions qu’à l’origine de cette vallée on trouve précisément un défilé qui, dans l’antiquité portait déjà le nom de Pas d’Hannibal. Mais, sans attribuer plus d’importance qu’il ne faut à ce détail, nous pouvons dire que