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Malgré tout, bien des coutumes barbares subsistaient encore au fond de cette société qu’animaient un esprit actif et des tendances humanitaires. On ne s’en rendra bien compte qu’en examinant ce qu’étaient les institutions de ce temps.


II.

Au lendemain de la révolution de 1688, la chambre des communes s’était attribué le droit de convoquer les collèges électoraux pour la nomination de ses membres, d’où cette conséquence que les circonscriptions ne pouvaient être modifiées qu’avec son assentiment. Rien n’est plus conservateur qu’une assemblée, surtout lorsque ses intérêts sont en jeu. Aussi n’y eut-il plus de changemens. Le nombre des membres de la chambre des communes s’était accru dans une proportion notable jusque-là. Dix-sept bourgs avaient obtenu la franchise électorale sous Henry VIII ; quatorze sous Édouard VI ; dix sous Marie ; vingt-quatre sous Élisabeth. Le privilège d’élire deux représentans état accordé par le souverain à toute ville qui acquérait de l’importance ou qui peut-être avait à la cour l’appui d’un protecteur influent. À vrai dire, c’était alors un privilège que les déshérités n’enviaient guère. En ce temps où il était moins facile de traverser l’Angleterre qu’il ne l’est aujourd’hui d’aller de Londres à San-Francisco, les électeurs ne trouvaient pas toujours à se faire représenter par des hommes de leur classe : ils se défiaient avec raison de la petite noblesse de province qui abandonnait son patrimoine pour vivre dans la capitale. Que les sièges fussent mal répartis, le pays ne s’en occupait pas. Si la répartition fut inégale sous Élisabeth ou sous Charles il, elle le devint bien plus dès que l’industrie naissante eut déplacé les hommes et les intérêts.

Telle quelle, et après cent cinquante ans d’immutabilité, la chambre des communes se composait de 658 membres : 489 pour l’Angleterre, 100 pour l’Irlande, 45 pour l’Écosse et 24 pour le pays de Galles. On s’est plu à combiner des chiffres pour montrer combien la représentation des diverses provinces était inégale. Dix comtés méridionaux de l’Angleterre, avec moins de 3 millions d’âmes, nommaient 237 députés ; les trente autres comtés avec plus de 8 millions nommaient 252 députés, tandis que l’Écosse en avait 45 avec 2 millions. La population n’influait en rien sur le nombre des élus, pas même sur le nombre des électeurs, qui était prodigieusement restreint. Ainsi 46 collèges avaient chacun moins de 50 électeurs ; 19 autres en avaient moins de 100 ; 46 moins de 200. On avait calculé que plus de la moitié des membres étaient élus par moins de quinze mille électeurs.