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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/877

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d’invoquer ceci comme preuve de ce que vaut le système d’éducation qu’ils préconisent, car ces jeunes gens, frais sortis des bancs de l’école, ne faisaient point mauvaise figure sur les bancs du parlement : leur esprit, aiguisé par une saine préparation, pénétrait sans peine les questions confuses que débattent les assemblées politiques. Faut-il tout dire ? le jeune Anglais ne revenait pas de l’université avec ce que l’on appelle quelquefois en France le respect du mandarinat. Il avait pris l’habitude d’estimer l’adresse aux exercices corporels autant que les palmes académiques ; d’ailleurs les diplômes s’y distribuaient avec une indifférence qui excluait même l’idée de toute supériorité intellectuelle. Tout fils de bonne famille était certain de subir avec succès les examens auxquels il était le moins préparé. Bien plus, on vit, au commencement du règne de George IV, l’université d’Oxford gratifier les étudians d’un degré académique à titre de don de joyeux avènement. Il eût été difficile de mieux démontrer quelle médiocre importance s’attachait aux études sérieuses.

Il était rare au surplus que le fils aîné d’une famille noble, celui qui devait tenir le rang et continuer le nom, reçût l’éducation universitaire. Tandis que les cadets allaient aux écoles pour de là chercher fortune, soit dans l’armée ou la marine, soit au barreau, soit dans l’église, l’aîné grandissait sur le domaine héréditaire. Il y menait une vie honnête, il était bon pour ses tenanciers, secourable pour les pauvres, il y prenait fatalement des habitudes violentes. De grossiers plaisirs, tels que les combats de coqs ou de chiens, étaient la principale distraction de son existence. L’intempérance était son plus grave défaut. On prétendait dans ce temps que le mal n’est pas de s’enivrer une fois par hasard, mais de s’enivrer tous les jours. La chasse était l’occupation quotidienne ; aussi les lois du royaume prenaient-elles soin d’en conserver le privilège aux propriétaires du sol ; encore fallait-il posséder une terre de certaine étendue pour être en droit d’y poursuivre le gibier. On raconte que le fermier d’un domaine de 500 arpens fut condamné, à la requête d’un propriétaire voisin, pour avoir chassé avec la permission de son propriétaire but les champs qu’il cultivait. L’animal sauvage était réservé au seigneur. Ce n’était point d’ailleurs une loi que les magistrats des comtés lussent disposés à laisser tomber en désuétude, car les condamnations pour délits de chasse se comptaient par milliers chaque année, et à peine infligée était souvent la déportation. Mais le peuple, à qui cette jurisprudence draconienne déplaisait, prenait volontiers le parti des braconniers.

De même que la loi sur la chasse était maintenue pour les plaisirs de l’aristocratie, de même aussi les vieilles lois sur les céréales subsistaient à son bénéfice. La noblesse ne pouvait maintenir sa