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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/901

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II.

Il est bien évident, malgré les affirmations du président de la commission du budget, qu’on n’a pas, dès à présent, 100 millions disponibles à consacrer au dégrèvement. En supposant qu’il y ait pareille somme non employée, provenant des excédens des années précédentes, une partie plus ou moins forte sera absorbée par les augmentations de dépenses du budget de 1881. Il faudra chercher d’autres ressources pour arriver au chiffre indiqué. On ne peut les trouver que dans des plus-values nouvelles d’impôts et surtout dans la conversion du 5 pour 100. Nous avons déjà traité ici même cette question de la conversion l’année dernière, il nous parait utile d’y revenir, pour montrer les ressources qu’on en peut tirer et pour tâcher ensuite de convaincre le gouvernement que l’ajournement de cette mesure met le crédit dans une situation de plus en plus impossible. N’est-on pas étonné de voir le 5 pour 100 à 119 et le 4 1/2 à 114, avec un écart de 5 fr. seulement dans le capital, lorsqu’il devrait en avoir un de 12 francs au moins, en tenant compte du revenu? Maintenant si on rapproche ce même 4 1/2 du 3 pour 100 qui est à 85, on trouve encore que l’un rapporte 4 pour 100, tandis que l’autre ne donne pas même 3 fr. 60. Pourquoi cette différence? Parce que le 5 et le 4 1/2 sont menacés l’un et l’autre de conversion dans un délai plus ou moins court. Et le 3 pour 100 lui-même, bien qu’affranchi de cette menace, n’a pas toute l’élasticité qu’il devrait avoir à cause de la concurrence que lui créent les deux autres fonds. Celui qui a des capitaux à placer et qui nécessairement cherche le revenu le plus fort, voyant cette conversion sans cesse ajournée, finit par ne plus y croire, il s’endort tout au moins sur le péril et achète du 5 pour 100. Non-seulement c’est le petit capitaliste, le bourgeois et le commerçant ayant réalisé des économies qui agissent ainsi, les gros banquiers, les établissemens de crédit eux-mêmes se laissent aller à cet appât d’un plus gros revenu, persuadés qu’ils verront venir le péril à temps et pourront se dégager sans perte. Alors le 3 pour 100 est négligé, et il reste à 84 ou 85 francs. Il n’est douteux pour personne que, s’il n’y avait plus de 5 et de 4 1/2, le 3 pour 100 atteindrait immédiatement dos cours plus élevés. Peut-on laisser durer indéfiniment une situation comme celle-là? Elle est tellement anormale qu’elle n’a pas de précédent, je ne dis pas en dehors de nous, mais même dans notre propre histoire. Sous le règne de Louis-Philippe, pendant que le 3 pour 100 dépassait 80 francs, le 5 pour 100 étant à 125, on croyait peu à la conversion alors et le 5 n’était pas trop arrêté dans