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pour la part qu’elle est appelée à prendre dans les frais des deux dernières expéditions au cap de Bonne-Espérance et dans l’Afghanistan. Le livre de la dette publique est fermé chez elle pour l’augmentation, il ne s’ouvre plus que pour la réduction. N’y a-t-il pas lieu d’être frappé de cet état de choses ?

Pendant ce temps, qu’ont fait les autres nations de l’Europe ? Elles ont accru démesurément leurs charges. Nous avons passé quant à nous d’une dette de 5 à 6 milliards en 1848, pour ne pas remonter plus haut, à une autre qui est aujourd’hui de 26 milliards. Celle-ci absorbe en intérêts près de 5 pour 100 de notre revenu brut, en supposant que ce revenu s’élève à 25 milliards, ce qui est un gros chiffre. C’est 2 pour 100 de plus qu’en Angleterre. Nos dépenses administratives ont aussi augmenté beaucoup plus qu’au-delà de la Manche, et si on compare les deux budgets en ne prenant que les dépenses ordinaires, et en mettant le revenu brut des Anglais à 30 milliards et le nôtre à 25, notre budget absorbe 11 pour 100 de ce revenu et celui des Anglais 6 1/2 seulement, — différence 4 1/2 pour 100 à l’avantage de nos voisins.

Mais l’exemple le plus significatif au point de vue de la réduction successive des charges, est celui qui nous est fourni par les États-Unis. Au sortir de la guerre de sécession, ils avaient une dette de plus de 15 milliards constituée au moyen d’emprunts qui leur avaient coûté fort cher ; cette dette est déjà, après quinze ans, diminuée de près d’un tiers. Le président Hayes l’affirmait dans son message du mois de décembre 1879, et il ajoutait qu’en intérêts elle avait baissé de 325 millions par an. Ce dernier résultat a été surtout obtenu au moyen des conversions qui ont ramené successivement le taux du crédit de 6 à 5, puis à 4 et enfin à 3 1/2, où il paraît être aujourd’hui, La réduction des impôts a suivi une marche parallèle. On a supprimé particulièrement les plus gênans pour le progrès de la richesse, et il en est résulté que la vie, en ce qui concerne les denrées alimentaires, est à présent moins chère en Amérique que dans les grands états de l’Europe, qu’en France et en Angleterre. Et si le prix de la main-d’œuvre y est encore plus élevé, c’est parce que les ouvriers gagnent davantage. Les Américains marchent à grands pas vers leur libération complète[1]. Quand elle aura lieu, et avant même qu’elle ait lieu, quelle sera leur situation ? Dernièrement lord Derby, dans un discours qu’il prononçait sur la situation commerciale de son pays disait, qu’il y avait en Amérique la puissance industrielle de 40 Angleterres. Cette déclaration était peut-être exagérée et avait surtout pour but d’exciter

  1. Le président Hayes déclarait, au commencement de 1879, que la dette des États-Unis pourrait être éteinte au bout de vingt-sept ans.