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Ne fût-ce que par amour des contrastes, mais bien plutôt pour rendre au mérite de M. Smith-Hald un légitime hommage, il faudra bien encore, avant de laisser nos paysagistes pousser avec lui jusqu’à l’extrême Nord, goûter le calme de ce beau lac sur lequel l’arrivée d’un bateau à vapeur est un événement et retrouver dans les habitations lacustres de son Soir d’hiver un dernier vestige des premiers cages de la vie humaine qui s’est perpétué jusqu’à nos jours dans ces contrées reculées. Il y a mieux qu’une curiosité géographique dans les tableaux de M. Smith-Hald, et son talent, déjà très remarqué l’an dernier, nous exprime avec un grand charme l’accord de la vie paisible de ces populations norvégiennes et de la contrée grandiose qui les entoure.

Ces témoignages sincères que les paysagistes nous apportent sur la nature, le plus souvent ils les complètent par les figures, par les animaux surtout dont ils peuplent la campagne, ajoutant ainsi à leurs œuvres non-seulement un élément pittoresque, mais parfois aussi une signification plus poétique. De tout temps d’ailleurs l’étude des animaux eux-mêmes a défrayé une branche importante de l’art. Ils offrent cet intérêt qui s’attache à toutes les manifestations de la vie, et chacun d’eux, outre le caractère et le type qu’il tient de sa race, a sa physionomie propre et ses allures individuelles. Notre orgueil humain, qui veut rapporter tout à nous-mêmes, est bien forcé de se concilier ici avec un sentiment plus modeste qui nous oblige à constater entre eux et nous des analogies apparentes ou réelles, faites en tout cas pour attirer notre attention. Que nos artistes les leur donnent ou qu’elles existent réellement, ces affinités, quand elles sont exprimées avec justesse, obtiennent notre approbation. Sans parler des services très positifs qu’elle nous rend, la vache, par exemple, n’a-t-elle pas déjà inspiré bien des chefs-d’œuvre, depuis Myron jusqu’à Virgile et de Paul Potter jusqu’à Troyon ? Avec quelle docilité elle se prête à tous les caprices des peintres, leur fournit, avec la variété de sa robe, toutes les taches dont ils ont besoin et trouve place dans leurs compositions les plus nobles ou les plus familières! M. Van Marcke excelle à peindre ces bonnes nourricières et à les disposer avec art, rêvassant au bord de la mer ou nonchalamment étendues dans les vergers de la Normandie. Cette année, il a voulu, sans doute, nous rassurer sur l’approvisionnement du marché parisien, et avec cette couleur savoureuse et cette science du tableau que vous lui connaissez, il a échelonné jusqu’au fond de l’horizon dans ses Prés de Bourbel un bétail innombrable qui, au milieu de gras pâturages, rumine en paix par un temps tiède et doux. Mais la nature n’est pas toujours si clémente aux animaux : M. Vuillefrov nous le fait assez voir dans