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détruit les lignes, la simplicité et jusqu’aux proportions de ces admirables monumens. Quant au talent de l’exécution, il est, nous l’avons dit, très réel, et M. Paulin surtout, comme dessinateur et comme aquarelliste, est d’une habileté tout à fait merveilleuse. Il nous en offre d’ailleurs une nouvelle preuve dans sa fine étude d’après l’hôpital de Pistoïa, où sont figurées ces charmantes majoliques de Lucca della Robbia, dont on peut voir maintenant à Paris, encastrées dans les murailles de notre École des beaux-arts, de fidèles reproductions.

Ces qualités d’exécution sont fréquentes chez nos jeunes architectes ; nous les retrouvons dans les copies qu’a faites M. Blondel de peintures murales de Pompéi, témoignages d’un goût assez singulier et de cette facile adresse dont en mainte contrée d’Italie on pourrait encore constater les traditions. M. Blondel y a joint un tracé géométral relevé avec soin et un dessin très exact du tombeau du cardinal Sforza qui se voit à l’église Santa-Maria del Popolo, une des œuvres les plus pures et les plus élégantes de Sansovino. C’est encore un ancien pensionnaire de l’Académie de France, M. Lambert, dont nous venons de rappeler les savantes études sur l’Acropole, qui remet sous nos yeux ce charmant palais de Brescia d’une si exquise apparence, avec ses formes nettes et fines et ces surfaces tranquilles sur lesquelles des sculptures délicatement fouillées marquent coquettement leur précieuse broderie. Enfin M. Simil, auquel nous devons de beaux travaux sur les monumens de Nîmes, a été bien inspiré en nous montrant divers motifs de décoration empruntés au Vatican : il nous paraît même qu’en passant par son pinceau ces capricieuses arabesques ont pris une harmonie et une distinction de couleur qui manque aux originaux. A force de voir nos artistes étudier et copier leurs monumens, les Italiens se sont piqués d’honneur, et voici qu’ils commencent à s’en occuper eux-mêmes. Les lecteurs de la Revue ont été déjà mis au courant par M. Yriarte, un artiste et un érudit qui connaît à fond Venise, de cette restauration de Saint-Marc, qui dernièrement a fait tant de bruit. Un architecte milanais, M. Colla, nous envoie à son tour plusieurs projets très étudiés pour des restaurations de l’hôtel-de-ville et de l’église Santa Maria delle Grazie à Milan.

Nous étions restés longtemps nous-mêmes avant de nous douter des richesses que nous possédions et d’apprécier à sa valeur cet art gothique, qu’il serait plus juste d’appeler un art français, puisqu’il est une de nos gloires nationales les moins contestables. Un homme surtout a contribué à nous éclairer à ce sujet, et l’ensemble des : travaux de Viollet-Leduc encore exposés au musée de Cluny nous fait comprendre aujourd’hui ce que fut cette vie laborieuse, ce qu’était le talent de ce dessinateur si précis, si exact, si élégant;