intolérantes, et d’avoir évité ces conflits fâcheux entre l’église et l’état qui ont affaibli et déchiré de puissans royaumes ; mais elle avait aussi de grands inconvéniens dont on s’aperçut quand on eut à lutter contre le christianisme. Un clergé mondain, politique, indifférent n’était pas une défense suffisante pour ces cultes menacés. Aussi la pensée vint-elle aux empereurs, surtout à Julien, d’en changer le caractère. Le premier de tous, il prit au sérieux ce titre de grand pontife que ses prédécesseurs portaient depuis Auguste et qu’ils ne regardaient que comme une décoration de leur pouvoir. Il sembla à Julien que cette dignité lui créait des devoirs sévères, et il nous dit « qu’il priait les dieux de le rendre digne de les bien remplir. » Il voulut d’abord établir entre tous ces sacerdoces divers et isolés une sorte de hiérarchie. Les grands prêtres des provinces, qui présidaient au culte des empereurs divinisés, furent chargés de surveiller les autres. Ils eurent le droit de les destituer « s’ils ne donnaient pas, avec leurs femmes, leurs enfans et leurs serviteurs, l’exemple du respect envers les dieux. » Il prit l’habitude de les choisir non plus comme autrefois parmi les citoyens riches, importans, magnifiques, dont la fortune pouvait suffire à des jeux coûteux, mais parmi les philosophes, les sages, les gens éprouvés par leur fermeté, leur constance, dans les dernières luttes du paganisme. Dans des lettres qui sont de véritables encycliques, il leur recommande de vivre honnêtement, de fuir les théâtres, de ne pas fréquenter les comédiens, d’éviter les mauvaises lectures, de prier souvent les dieux ; il veut qu’ils ne négligent aucune vertu, surtout la charité, dont le christianisme a tiré tant d’honneur et de profit. « Il est arrivé, dit Julien, que l’indifférence de nos prêtres pour les indigens a suggéré aux impies galiléens la pensée de pratiquer la bienfaisance, et ils ont consolidé leur œuvre perverse en se couvrant de ces dehors vertueux. » Ce qui a propagé si vite leur doctrine, « c’est l’humanité envers les étrangers, le soin d’inhumer honorablement les morts, la sainteté apparente de la vie. » Il faut faire comme eux, s’occuper des pauvres, des malheureux, des malades. « Il serait honteux, quand les juifs n’ont pas un mendiant, quand les impies galiléens nourrissent les nôtres avec les leurs, que ceux de notre culte fussent dépourvus des secours que nous leur devons. »
Cette religion ainsi modifiée, avec un clergé bien organisé et surveillé sévèrement, un enseignement moral et des dogmes, des hospices dépendant des temples et tout un système de secours charitables dans la main des prêtres, était en réalité une religion nouvelle. Julien le comprit, puisqu’il éprouva le besoin de lui donner un nouveau nom. Nous avons vu qu’il l’appela l’hellénisme. C’est l’hellénisme qui allait prendre la place du paganisme vieilli et essayer à son tour de soutenir l’assaut victorieux de l’église.