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IV

Voilà de quelle manière Julien essaya de réformer et de rajeunir le culte des anciens dieux. C’est assurément la partie la plus curieuse et la plus intéressante de son œuvre. Mais ce philosophe et ce théologien se trouvait être aussi le maître du monde. En sa qualité d’empereur, il avait à régler la situation des deux religions qui se partageaient l’empire ; il pouvait mettre son pouvoir souverain au service de celle qu’il voulait rétablir, et employer, pour ruiner l’autre, toutes les forces dont il disposait. Peut-on lui reprocher d’avoir tenté de le faire ? A-t-il été véritablement un persécuteur, comme l’ont prétendu les chrétiens, ou mérite-t-il les éloges que les ennemis du christianisme ont accordés à sa sagesse et à sa modération ? C’est ce qu’a voulu savoir M. F. Rode, c’est ce qu’il cherche à nous apprendre dans un mémoire solide, impartial, où il dégage la vérité de toutes les exagérations des partis. Sans rentrer dans la discussion qu’il a faite des textes contraires, je me contenterai de résumer ici les résultats de son travail.

Julien a toujours prétendu être un prince tolérant. Au moment même où il rouvrait les temples, il annonçait par des édits solennels qu’il n’entendait gêner en rien les autres cultes. « J’ai résolu, disait-il, d’user de douceur et d’humanité envers tous les galiléens ; je défends qu’on ait recours à aucune violence et que personne soit traîné dans un temple ou forcé à commettre aucune autre action, contraire à sa volonté. » Loin de paraître courir après les conversions forcées et de vouloir grossir le nombre des païens par des abjurations rapides, il annonçait fièrement que les nouveaux convertis ne seraient admis aux cérémonies sacrées « qu’après avoir lavé leur âme par des supplications aux dieux et leur corps par des ablutions légales. » Il persista jusqu’à la fin dans ces principes, et il écrivait encore vers les derniers temps de sa vie : « C’est par la raison qu’il faut convaincre et instruire les hommes, non par les coups, les outrages et les supplices. J’engage donc encore et toujours ceux qui ont le zèle de la vraie religion à ne faire aucun tort à la secte des galiléens, à ne se permettre contre eux ni voies de fait ni violences. Il faut avoir plus de pitié que de haine envers des gens assez malheureux pour se tromper dans des choses si importantes. »

Ce sont là de belles paroles, et je conçois que Voltaire les ait plusieurs fois citées avec admiration. Par malheur, à côté de celles-là, il y en a d’autres où les chrétiens sont traités avec le dernier mépris. Une tolérance qui s’exprime d’une manière si insultante cause