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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/105

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publiques. « Je ne veux, dit-il, ni massacrer les galiléens, ni permettre qu’on les maltraite : je dis seulement qu’il faut leur préférer les hommes qui respectent les dieux, et cela en toute rencontre. » C’était annoncer que les dignités publiques leur étaient absolument réservées, et je ne doute pas que, s’il eût vécu, il n’eût plus laissé aucun chrétien dans l’administration civile et militaire de l’empire. Les mêmes procédés furent employés sans plus de scrupule pour ramener à l’ancien culte des populations entières. Dans ce vaste empire, qui se composait d’une agglomération d’anciens états libres, les villes voisines étaient souvent rivales. Elles voulaient dominer l’une sur l’autre, ou se disputaient avec acharnement quelques lambeaux de territoire. C’était une occasion pour l’empereur de se les attacher en prenant parti pour l’une ou pour l’autre. M. Rode a montré, par l’histoire de Nisibe et de Gaza, que Julien faisait profession de se déclarer toujours pour celles qui partageaient sa foi. « Si l’on honore les dieux, disait-il, il faut honorer aussi les hommes et les villes qui les respectent. » C’est un principe qui peut mener loin. Quand Pessinonte, célèbre par son temple de Cybèle, s’adresse à lui pour obtenir une faveur, Julien laisse entendre à quel prix il l’accordera. « Je suis disposé, dit-il, à venir en aide à Pessinonte, à la condition qu’on se rendra propice la Mère des dieux. Faites donc comprendre aux habitans que, s’ils désirent quelque chose de moi, ils doivent tous ensemble s’agenouiller devant la déesse. » Voilà qui est clair : Julien connaissait les hommes, il savait qu’on en trouve toujours qui sont décidés à sacrifier leur foi à leur fortune ; mais il ne pouvait pas ignorer non plus qu’il ne faut guère compter sur ces recrues que l’intérêt ou l’ambition amènent aux religions qui triomphent, et que ce sont des conquêtes dont elles ne tirent pas beaucoup plus de profit que d’honneur.

Ses projets en général étaient fort habilement conçus, mais ils n’eurent pas tout le succès qu’il en attendait. Il avait pris, dès son arrivée à Constantinople, une mesure généreuse et qui devait bien disposer l’opinion pour lui. Il rappela tous ceux que Constance avait exilés pour des motifs religieux et rendit les biens qu’il avait confisqués. Parmi ces exilés, il y en avait de toutes les sectes chrétiennes ; mais, comme Constance était arien, c’était principalement sur les catholiques qu’il avait frappé. On vit donc revenir dans leur pays un grand nombre d’évoques victimes des tracasseries du régime précédent, et, parmi eux, l’invincible Athanase. Julien était très fier de cet acte de clémence dont ses amis durent lui faire beaucoup de complimens. Il en parle souvent dans ses lettres et se plaint avec amertume que les chrétiens ne lui en aient pas témoigné plus de reconnaissance. C’est que les chrétiens, comme tout le