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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/164

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supplice prochain de Valenzuela et de la confiscation de ses biens. Celui-ci cependant se promenait tranquillement dans Madrid, et assistait le soir, d’un visage assuré, à la représentation qui eut lieu à la cour. On l’accusa d’avoir tenté de faire assassiner don Juan. On racontait que le comte de Montijo, accompagné du comte d’Aguilar et du marquis d’Algava, s’était présenté au palais du Buen-Retiro, mais que la porte avait été défendue pardon Alvaro Aie m an, lieutenant de l’alcaïde du palais. Ce bruit était bien invraisemblable ; néanmoins don Juan montra dans la suite qu’il ne l’avait nullement oublié.

Que s’était-il passé dans l’intervalle ? La reine, un moment surprise et déconcertée, avait appelé auprès d’elle le président de Castille et lui avait demandé conseil. Le comte de Villahumbrosa lui avait répondu « que la même autorité qui avait appelé don Juan à Madrid avait seule pouvoir de provoquer son éloignement ; que pour lui il saurait pourvoir à l’exécution des commandemens de sa majesté. » Il ne s’agissait donc que d’obtenir un contre-ordre du roi. Les larmes, les supplications d’une mère eurent facilement raison d’un monarque de quatorze ans, qui la veille encore était en tutelle.

Don Juan, après le baise-mains, avait quitté Charles II, qui l’avait comblé de caresses. Il venait à peine de rentrer au Buen-Retiro, lorsque, à sa profonde surprise, il reçut de don Pedro Fernandez del Campo, principal secrétaire d’état, l’ordre écrit de quitter Madrid sur-le-champ pour retourner dans son gouvernement de Saragosse. Il refusa d’abord, demandant à revoir le roi ; l’ordre lui ayant été renouvelé par le grand majordome duc de Medina-Celi, il ne dissimula ni sa mauvaise humeur ni son dépit ; mais après en avoir délibéré toute la nuit avec ses principaux amis, il finit par se décider à obéir, laissant ses partisans fort inquiets et dans le plus grand désarroi. C’était une deuxième tentative avortée : la situation du prince devenait ridicule.

La défaite du parti de don Juan devait avoir pour conséquence l’affermissement du pouvoir de Valenzuela, en qui se personnifiaient les craintes, les intérêts, les ressentimens et les passions de la reine. D’un autre côté, n’y avait-il pas, dans l’attitude de quelques-uns des personnages les plus considérables de l’état, l’indice d’un mouvement d’opinion dont il fallait tenir compte, s’il n’y a pas quelque naïveté à demander de tenir compte de l’opinion à des successeurs de Philippe II. Le respect de la majesté royale était encore intact en Espagne, ce qui avait manqué à la France en des circonstances analogues. En continuant à braver la grandesse par l’accumulation des honneurs sur la tête d’un homme encore si obscur la