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par un loyer de 40 shillings. Les dernières élections avaient démontré que ces petits électeurs n’étaient bons qu’à se laisser conduire au scrutin un jour par les prêtres, le lendemain par les agitateurs populaires, et qu’ils échappaient presque toujours a l’influence des propriétaires protestans. L’opposition comprit que les deux mesures se compensaient l’une l’autre aux yeux des protestans incertains qui acceptaient la réforme avec plus de résignation que de conviction. Elle ne combattit pas les projets. 348 voix sur 508 votans donnèrent gain de cause au ministère.

Au cours du débat devant la chambre des communes, un incident singulier s’était produit qui dépeint trop bien les mœurs de l’époque pour qu’on le passe sous silence. Certains tories attaquaient le cabinet avec une violence inconcevable, soit en paroles devant les chambres, soit par écrit dans des pamphlets ou des lettres aux journaux. L’attorney-général Wetherell, entre autres, lit un discours d’une telle inconvenance, en opposition au bill présente par le gouvernement dont il faisait partie, que Wellington n’hésita pas à le révoquer. Les feuilles anticatholiques déclarèrent, ce qui n’a rien de surprenant, que jamais plus beau discours n’avait été prononcé dans une assemblée politique. Les autres prétendirent que l’orateur était en état d’ébriété ce soir-là. Ceci n’avait encore rien d’extraordinaire. Mais, quelques jours plus tard, lord Winchelsea, le plus ardent des partisans de la haute église, fit paraître une lettre dans laquelle il accusait Wellington de tramer depuis longtemps, sous le voile menteur d’un grand dévoûment aux intérêts du pays, une conspiration insidieuse contre la constitution de 1688. Le premier ministre avait un tempérament calme autant que l’eut jamais un militaire. Il crut cependant ne pouvoir se dispenser de demander à son trop bouillant adversaire « la satisfaction qu’un gentilhomme a le droit de requérir et qu’un gentilhomme ne refuse jamais d’accorder. » La rencontre eut lieu le lendemain. Le duc tira le premier et n’atteignit pas son adversaire. Lord Winchelsea déchargea son pistolet en l’air ; il sortit ensuite de sa poche une lettre d’excuses préparée à l’avance.

Bien que l’affaire se fût terminée ainsi de la façon la plus bénigne, le public ne fut pas satisfait. Vingt ans s’étaient passés depuis que Canning et Castlereagh, ministres d’un même cabinet, s’étaient battus en duel. Les combats singuliers n’étaient plus de mode. L’usage en fût-il resté fréquent comme autrefois, on ne comprenait pas qu’un général dont personne ne pouvait sérieusement contester la bravoure eût risqué sa vie à propos d’une boutade, alors surtout qu’il était le chef du gouvernement et que sa mort eût compromis la grande réforme qu’il venait d’entreprendre.

Le bill d’affranchissement avait encore à subir une épreuve devant