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discuta les salaires des chambellans, des écuyers, des officiers de la maison royale, en vue de s’assurer qu’aucune économie n’y était plus possible ; elle critiqua les pensions accordées sur la cassette. Elle le fit avec largeur, c’est incontestable, non pas toujours avec assez de discrétion pour que le souverain pût se dissimuler qu’il était à la merci de ses loyaux sujets.

La grosse affaire de la nouvelle administration était de préparer un bill de réforme parlementaire ; elle l’avait promis, et tout le monde attendait avec impatience de savoir comment cette promesse serait tenue. Mais ce mot de réforme parlementaire était une expression élastique que chacun comprenait à sa manière, depuis les craintifs qui se seraient crus satisfaits par la suppression de deux ou trois bourgs pourris jusqu’aux chartistes qui réclamaient le scrutin secret, le suffrage universel, des assemblées annuelles. Dans le cabinet même, on n’était pas d’accord. Palmerston et Melbourne voulaient modifier aussi peu que possible le régime existant ; Brougham avait des idées d’une hardiesse exagérée. Enfin on convint de faire préparer le bill par une commission de quatre personnes, deux membres du cabinet, Graham et Durham, et deux membres des communes, lord J. Russell et lord Duncannon, qu’une expérience parlementaire déjà longue rendait propres à juger ce que la chambre était en disposition d’accepter. Le projet auquel ils s’arrêtèrent ne péchait point par trop de timidité ; il supprimait tous les bourgs au-dessous de 2,000 habitans, au nombre de soixante ; il enlevait un député sur deux à tous ceux de 2,000 à 4,000 habitans, au nombre de quarante-six ; il accordait des représentans aux villes de 10,000 âmes au moins et augmentait le nombre des représentans dans les comtés de plus de 150,000 âmes. En même temps, le cens électoral s’abaissait à 20 livres de loyer dans les bourgs, à 50 livres dans les comtés pour les baux à court terme et à 10 livres pour les baux de très longue durée. Enfin des précautions étaient inscrites dans la loi en vue d’empêcher les abus qui s’étaient produits. Mais la durée de chaque parlement restait fixée à cinq ans ; le vote au scrutin secret n’était pas admis. Le roi, paraît-il, n’aurait pas consenti, quelle que fût la confiance qu’il eût en ses conseillers, à les suivre plus loin. Le projet, réduit à ces limites, que des réformateurs très exigeans pouvaient approuver, avait été accepté par lui. Guillaume IV s’était comporté pendant ces préliminaires comme un véritable monarque constitutionnel. Ni son frère ni son père n’avaient habitué leurs ministres à tant de condescendance.

Bien que lord Althorp fût le leader de la chambre des communes et y eût conservé une légitime influence, malgré l’échec de certaines réformes budgétaires qu’il avait présentées au début de la session, ce ne fut pas lui que le cabinet chargea de présenter le