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Le livre que M. de Candolle vient de publier a donc pour but de perfectionner les méthodes de description qu’on emploie en histoire naturelle, — car ses réflexions et ses conseils ne s’appliquent pas seulement à la botanique. Les bonnes méthodes de description préparent les découvertes, en ce sens qu’elles montrent les lacunes à combler et suggèrent souvent des idées générales. Mais il faut qu’elles suivent le progrès des observations. « La phytographie est, à l’égard des faits, comme une sorte de vêtement qu’il faut savoir modifier d’après les dimensions et les exigences de l’individu à mesure qu’il grandit. » De la Philosophia botanica de Linné, qui a créé les méthodes modernes, à la Théorie élémentaire de la botanique d’Augustin-Pyramus de Candolle, qui a paru en 1813, la distance est déjà grande ; mais depuis soixante ans, bien des questions nouvelles ont surgi, et les règles posées par les fondateurs de la science ont été les unes consacrées par l’expérience, les autres discutées ou modifiées. Après la publication des vingt volumes du Prodromus systematis naturalis, complété par les Monographies de phanérogames, M. de Candolle était mieux placé que personne pour formuler les nécessités nouvelles qui s’imposent et pour tracer la route à suivre. Ce qu’il demande avant tout, c’est plus d’uniformité dans la description des groupes, des organes, des phénomènes. La marche vers la simplification et l’unité est générale, elle se manifeste dans toutes les sciences ; il en résulte que les méthodes pour décrire et classer les faits le simplifient en même temps et deviennent plus uniformes en rapprochant ce qui autrefois était séparé. Ainsi, dans les plantes les plus compliquées, tout a été ramené à trois organes : racine, tiges et feuilles. « Ces parties elles-mêmes ne sont que des cellules multipliées, provenant d’un plasma d’apparence uniforme, quoique très différent d’une plante à l’autre, puisqu’il produit des effets extrêmement variés. Les divers organes microscopiques, qu’on croyait naguère tout différens, ne sont aujourd’hui que des cellules modifiées. La fécondation n’est qu’un transport de plasma et une multiplication de cellules, comme dans les accroissemens de toute partie de la plante. Les individus passent, dans leur développement, par des états analogues à ceux des groupes. »

Ce qui fait le mérite du livre de M. de Candolle, et ce qui en fait aussi l’agrément, c’est l’heureux mélange des détails techniques et des idées générales. Les botanistes accepteront avec reconnaissance les conseils pratiques que l’auteur puise dans une longue expérience personnelle, et qui sont appuyés par des exemples toujours abondans et variés ; mais tout le monde pourra méditer avec profit les réflexions morales et les remarques littéraires, souvent très fines, que l’on rencontre semées avec profusion jusque dans les chapitres les plus techniques, et qui dénotent un esprit vraiment philosophique.


Le directeur-gérant, C. BULOZ.