Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/532

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à profit ni les découvertes de MM. Place et Thomas en Assyrie, ni celles de M. Renan en Phénicie ; il n’a pu tirer parti de notre voyage en Asie-Mineure, ni, à plus forte raison, des trésors que la plaine de Troie et surtout l’acropole de Mycènes ont livrés à M. Schliemann. N’eût-il pas d’autres défauts, ce livre est donc déjà un livre vieilli et dépassé ; c’en est assez pour qu’il ne réponde pas aux désirs et à l’attente de ceux qui voudraient se faire une juste idée des origines, de la marche et des progrès de l’art antique[1].

Cette histoire de l’art que nous avons en vain cherchée partout, au-delà même de nos frontières, personne, croyons-nous, ne serait mieux en mesure de l’entreprendre qu’un savant français ; personne ne saurait mieux l’écrire telle que nous la concevons, à la fois agréable et solide ; nulle part on ne trouverait aussi des dessinateurs plus habiles et plus intelligens pour lui donner le luxe indispensable d’une illustration perpétuelle, où fût saisi et rendu le style des monumens originaux. Cent vingt ans environ nous séparent de Winckelmann ; il suffit de jeter un coup d’œil rapide sur l’histoire des recherches archéologiques pendant ce court espace de temps pour deviner quels seraient le sérieux attrait et l’importance capitale d’une œuvre qui mérite de tenter quelque jeune ambition ou d’être comme le testament d’une vie de méditation et d’étude. Voyageurs intrépides dont plusieurs sont morts sur le champ de bataille, fouilleurs obstinés qui ne se sont pas laissé décourager par les premières déceptions et qui ont eu leur jour d’inspiration heureuse et de soudain triomphe, érudits qu’une profonde connaissance de l’antiquité littéraire avait préparés à l’interprétation de l’antiquité figurée, travailleurs laborieux qui, par leurs descriptions minutieuses, ont permis d’établir des séries de monumens classés par écoles ou par ordre chronologique, tous ces ouvriers, de mérite très inégal, ont fait bravement leur devoir ; ceux-ci ont amassé des matériaux, ceux-là ont dressé des inventaires provisoires ou dégagé les idées générales que comportaient les faits jusqu’alors enregistrés et connus. Dès maintenant on possède, semble-t-il, tous les élémens nécessaires pour tracer et pour arrêter les grandes lignes de l’édifice à construire ; les découvertes futures ne feront, selon toute apparence, que permettre de mieux remplir les cadres ; tout au plus exigeront-elles, par endroits, quelques

  1. Sous un même titre (Geschichte der Plastik), qui pourrait tromper au premier abord, Overbeck et Lubke n’ont écrit que l’histoire de la sculpture ; c’est là le sens restreint que le mot Plastik a pris dans la langue de la critique allemande. L’ouvrage d’Overbeck, très supérieur à celui de Lubke, mérite le succès qu’il a obtenu. On en annonce une troisième édition, qui comprendra l’étude des sculptures récemment découvertes à Olympie.