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de ces copies qui, pendant trois ou quatre siècles, sont sorties en foule des ateliers grecs pour aller embellir et peupler les temples, les basiliques et les thermes, les palais et les villas des maîtres du monde. Si, parmi toutes ces statues, quelques-unes, en bien petit nombre, étaient des originaux ou des répliques assez soignées pour pouvoir presque remplacer l’original, celui-ci lui-même ne remontait pas au-delà du IVe siècle, des écoles de Praxitèle, de Scopas et de Lysippe. Quant au style des maîtres du Ve siècle, les Phidias et les Alcamène, les Pœnios et les Polyclète, l’historien ne pouvait les définir que d’après les descriptions ou les allusions des écrivains anciens[1].

En pareil cas, les textes les plus formels et les plus clairs ne vaudront jamais le témoignage d’un fragment de marbre où la main de l’artiste aura laissé son empreinte ; mais qui donc alors soupçonnait l’importance que devaient prendre, pour la génération suivante, ces grands ensembles de sculpture décorative que permet de dater et presque de signer leur étroite relation avec l’architecture de tel ou tel temple célèbre ? Avait-on dégagé des décombres ou pris seulement la peine de regarder et de dessiner, là où elles existaient encore en place, les statues des frontons et les frises sculptées du Parthénon et du temple de Thésée, des temples d’Égine, de Phigalie et d’Olympie ? Si l’on ignorait ces monumens authentiques du siècle de la vraie perfection classique, à plus forte raison n’était-on pas en mesure de reconnaître et de définir le véritable archaïsme ; on ne savait pas distinguer les figures qui en portent la marque de celles qu’a vieillies de propos délibéré le goût raffiné des époques savantes. Il en était de même quand il s’agissait de l’art de bâtir ; c’était toujours ou presque toujours par les édifices de Rome et de l’Italie, par leur ordonnance et leur décoration que l’on prétendait expliquer et juger l’architecture grecque.

Le grand service rendu par Winckelmann, c’était d’avoir fondé la méthode ; elle fut aussitôt appliquée, par Zoëga et par Ennio Quirino Visconti, à la description des monumens que renfermaient les galeries publiques ou privées et de ceux que produisaient les fouilles. Ces érudits multiplièrent et classèrent les faits ; grâce à leur labeur incessant, les lignes de l’esquisse que le maître avait tracée furent reprises et corrigées en plus d’un point ; les divisions qu’il avait introduites dans ce tableau furent mieux marquées ; les groupes qu’il avait commencé de former devinrent plus cohérens et plus compacts ; ils se caractérisèrent par des traits plus

  1. A qui veut se faire une idée des études de Winckelmann et de l’état où était alors la science, nous ne saurions trop recommander l’intéressant ouvrage de Karl Iusti, Winckelmann, sein Leben, seine Werke und seine Zeitgenossen (Winckelmann, sa vie, ses œuvres et ses contemporains).