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à l’assaut de nos institutions, dans la campagne du 16 mai, on abuse étrangement de l’hyperbole. Sans doute le prêtre ne s’est point abstenu aux élections de 1876 et de 1877. Il a soutenu de son vote et de son influence les candidats qui avaient sa confiance et ses sympathies. N’était-ce pas son droit et son devoir de citoyen ? Du moment qu’il n’a pas compromis le prêtre dans l’exercice de ce droit, dans l’accomplissement de ce devoir, qu’il n’a usé de son influence ni dans la chaire ni dans le confessionnal, qu’a-t-on à lui reprocher ? Et s’il y a mis tout le zèle de sa foi religieuse, qui peut s’en étonner ou s’en indigner ? Est-ce qu’on a songé à lui contester ce droit sous la république de 1848 et sous le second empire ? N’a-t-il pas assez payé sa dette à la patrie, dans cette fatale guerre de 1870, pour être compté parmi les citoyens actifs de notre pays ? Quant au parti clérical, un orateur du sénat dans la discussion sur l’article 7, M. Buffet, a fait justice des déclamations dont il est le sujet perpétuel. Qu’est-ce que les cléricaux, sinon des catholiques qui prennent au sérieux leurs droits et leurs devoirs de citoyens ? On nous dit que cette espèce de catholiques est d’origine toute récente, qu’on n’en parlait pas sous les gouvernemens de la restauration et de la révolution de juillet. La raison en est très simple : c’est que nous ne jouissions pas du suffrage universel sous ces deux régimes du gouvernement parlementaire. Le clergé avait peu d’influence sur la classe moyenne qui formait le corps électoral de cette époque, et la presque totalité des prêtres ne prenait point part au scrutin. Le clergé ne fut puissant qu’à la cour et dans ce parti ultra-royaliste qui a perdu la restauration. C’est la révolution de 1848 qui lui a rendu son influence politique ; c’est elle qui a créé ce qu’on nomme le parti clérical. Tant que le suffrage universel subsistera, la politique devra compter avec ce parti. On pourra fermer au prêtre la salle du scrutin et le renvoyer à son église. Les comices resteront ouverts à tout ce peuple de catholiques qui entendent user de leurs droits pour la défense des intérêts qui leur sont le plus chers. Quoi qu’on puisse dire, ce n’est point encore là conspirer contre la république.

Voilà, au fond, l’explication des bruyantes colères d’un parti qui ne croit ni à la conspiration des partis monarchiques, ni à l’opposition des fonctionnaires, ni aux entreprises du clergé contre les droits de l’état. Il veut un clergé servile, une administration dévouée, un parti conservateur qui se désintéresse des affaires publiques. Toute résistance l’irrite, même dans les limites de la loi et de la constitution. Toute initiative qui n’est pas la sienne lui fait ombrage. Toute force politique, sociale, religieuse qui tend à se constituer, à s’organiser, à se développer par elle-même,