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travail de cabinet, elle conspire sous les yeux de ses chefs. Cette société de monarchistes de tout parti s’entend, dans ses salons, pour nous ramener à bref délai tel ou tel prince, on ne sait lequel, mais qu’importe ? En ce moment, ce qui presse le plus, c’est de courir sus à l’ennemi clérical, en ayant toujours l’œil sur les autres. C’est contre cet ennemi qu’il faut aller en guerre, enlever ses postes avancés, le déloger de toutes ses positions, emporter d’assaut ses forteresses, autrement dit ses collèges, ses couvens, ses écoles communales ou libres, aux accens de la Marseillaise et du Chant du départ. L’état, la société, la civilisation, la patrie, sont en péril. Voilà cinquante ans qu’on s’endort dans une fausse sécurité. On a laissé pénétrer dans la place, où toutes ces choses sont gardées, l’ennemi qui n’a plus qu’un pas à faire pour mettre la main dessus. Sus au cléricalisme ! souvenons-nous de nos pères ! »

Aux orateurs, aux écrivains qui enflent leur voix ou leur style pour débiter de pareilles fables, il n’y aurait rien à répondre, s’ils ne trouvaient un trop nombreux public, assez naïf ou assez passionné pour prendre au sérieux toute cette fantasmagorie. Est-il besoin de dire que personne ne songe à conspirer contre la république, ni dans les partis monarchiques, ni dans les administrations, ni dans le clergé, ni dans ce prétendu parti clérical dont on fait le grand agent, l’âme même de la conspiration ? Ce qui est vrai, c’est que, si personne ne conspire, tout le monde entend user de ses droits, sous une république que ses meilleurs amis disaient être venue pour les garantir. Les partis monarchiques ont désarmé devant la victoire définitive du parti républicain et devant la constitution qui en fut la consécration. Ils n’ont point désarmé devant la politique radicale et jacobine, dont les actes deviennent de plus en plus inquiétans pour la liberté et la paix intérieure du pays. Ils entendent compter pour quelque chose dans la lutte que les conservateurs de tout parti soutiennent en ce moment contre cette politique. Restés peut-être monarchistes pour l’avenir, les hommes des anciens partis ne sont plus que des conservateurs pour le présent. N’est-ce pas leur droit, et serait-ce là conspirer contre la république ? Les fonctionnaires, habitués à servir l’état sous tous les gouvernemens, n’aiment point à être troublés par les passions politiques dans l’exercice régulier de leurs fonctions. Ils n’apprennent pas avec plaisir des révocations auxquelles la politique n’est pas étrangère. Ils voient surtout avec effroi les épurations qui peuvent à chaque instant les atteindre, et ne peuvent se sentir beaucoup d’enthousiasme pour un régime où ils ne vivent point en paix. Doit-on s’étonner de leur tiédeur, et y voir un mauvais vouloir contre la république ?

Quand on nous montre le parti clérical, jésuites en tête, montant