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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/557

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du beau. Il en résulte que les ouvrages de leurs artistes, tout mutilés, tout émiettés qu’ils nous soient parvenus, servent encore de modèles aux artistes modernes et joueront le même rôle ; dans l’enseignement du dessin, jusqu’à la fin des siècles. Ce sera toujours à leur école que l’on apprendra non point, comme on l’a. cru parfois, à se passer de la nature, l’indispensable, l’éternelle maîtresse, mais à l’étudier avec intelligence et avec amour, à s’en inspirer pour créer, comme les Grecs l’ont fait autrefois, de belles œuvres, qui soient l’expression sensible d’une haute pensée.

L’art grec serait donc le véritable sujet de cette histoire dont les matériaux n’ont cessé de s’accumuler et de s’ordonner, depuis Winckelmann jusqu’à nos jours ; mais, pour satisfaire les exigences de l’esprit moderne, il faudrait que cette grande œuvre fût précédée d’une histoire de l’art oriental, ou plutôt des arts de l’Orient ; sans cette introduction nécessaire, le livre ne se comprendrait pas, ce livre dont nous entrevoyons le plan et dont on peut dire, comme Juvénal du poète parfait qu’il conçoit et qu’il se représente à lui-même :

Hunc qualem nequeo monstrare, at sentio tantum !


L’Égypte fournirait le point de départ ; ce serait par elle que l’on commencerait, et l’on ferait passer sous les yeux du lecteur, dans l’ordre de leur succession historique, tous les arts qui, avant le développement de la Grèce, ont eu quelque originalité, tous les styles nationaux de la première et lointaine antiquité. Chacun d’eux intéresserait par lui-même, parce que dans tous on retrouverait l’homme engagé dans la même lutte contre la matière, dans le même effort pour la contraindre à traduire ses idées, à se pénétrer de ses sentimens, à s’en échauffer et comme à s’en attendrir ; mais ces différens arts prendraient d’ailleurs, pour l’historien, plus ou moins d’importance suivant qu’ils se rattacheraient à l’art grec par des liens plus ou moins étroits.

Comme sa préface, le livre aurait son épilogue ; Les peuples de l’Orient nous auraient laissé voir comment, par les procédés qu’ils ont inventés et les formes qu’ils ont créées, ils ont contribué à préparer l’avènement de l’art grec et son éblouissante floraison. ; aux peuples qui se sont mis plus tard à l’école de la Grèce, aux Italiotes, aux Étrusques et aux Romains, on demanderait comment ils ont compris les leçons qu’ils ont reçues et quel parti plus ou moins heureux ils en ont tiré pour rendre leurs propres pensées et pour satisfaire des goûts et des besoins différens.

On voit, par ces réflexions, comment l’historien de l’art serait tenu aujourd’hui d’embrasser un plus vaste champ et de fournir