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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/558

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une plus longue carrière. que Winckelmann et même qu’Ottfried Muller. Notre siècle est le siècle de l’histoire ; ce qui l’intéresse surtout, c’est ce que les Allemands appellent le devenir, la suite des phénomènes dans leur évolution organique, dans ce développement régulier que Hegel expliquait par les lois mêmes de la pensée. On serait mal venu, de notre temps, à prendre tout d’abord l’art grec en pleine perfection, sans chercher et sans dire quels degrés il a lentement gravis pour arriver à son apogée, dans l’Athènes de Périclès. Qu’il s’agisse d’un individu ou d’un peuple, de religion ou de philosophie, de littérature ou d’art, nous tenons à remonter le cours du fleuve de la vie, jusqu’au point où il se dérobe à notre vue dans cette obscurité où se perdent tous les commencemens. Ici donc, dans cette histoire de l’art grec, pour atteindre les origines vraies, il faudra se reporter bien au-delà des origines apparentes ; pour bien comprendre, pour expliquer la Grèce naissante, il faudra pousser sa recherche bien plus loin et sortir de l’étroite enceinte de l’histoire grecque.

La Grèce, que nous appelons l’antiquité, est venue tard dans l’histoire, quand déjà la civilisation avait derrière elle un long passé, un passé de bien des siècles. En ce sens, il est vrai, le mot que Platon attribue aux prêtres de Saïs s’adressant à Solon : « Vous autres Grecs, vous n’êtes que des enfans ! » En comparaison de l’Égypte, de la Chaldée et de la Phénicie, la Grèce est presque moderne ; le siècle de Périclès est peut-être plus rapproché de nous, dans le champ de la durée, que des commencemens de la civilisation égyptienne.

Paraissant ainsi la dernière sur la scène, la race grecque n’aurait pu rester étrangère à tout ce qui s’était fait avant elle que si elle avait été jetée par le hasard de sa destinée à quelque extrémité du monde, dans un canton détourné et d’un accès difficile, dans une île inabordable. Tout au contraire, vers l’époque à laquelle remontent ses plus lointains souvenirs, nous la trouvons établie dans une péninsule qui, toute voisine de l’Asie, semble se détacher de l’Europe pour s’avancer au-devant de l’Afrique avec le cortège d’îles qui l’entourent et qui la précèdent. Entre la côte d’Asie et la péninsule, ici des détroits que traverse le bras d’un vaillant nageur, là de nombreuses îles, en vue l’une de l’autre, qui semblent inviter les moins hardis à se lancer sur cette route qu’elles jalonnent. On dirait ces cailloux que la main du paysan jette au milieu du ruisseau quanti le pied ne saurait le franchir d’un bond ; en sautant de l’un à l’autre, on a bientôt gagné la rive opposée.

La race grecque, par la situation de la contrée où elle apparaît, se trouve donc ainsi rapprochée des empires d’Égypte, d’Assyrie et de Médie, maîtres des côtes de la Méditerranée orientale ; en même