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l’impossibilité de réaliser, et en présence du déficit, dans l’espoir surtout de se gagner la faveur du prince auquel étaient confiées les rênes de l’état, il ne fit pas difficulté de souscrire assez largement aux demandes du trésor. L’assemblée de 1715 vota un don de 12 millions de livres. Le 10 juin 1723, une autre assemblée en accordait huit, qui furent couverts tant par un emprunt que par une taxe directe mise sur les bénéficiers. C’étaient là des subventions volontaires auxquelles le clergé s’était résigné d’assez bonne grâce ; mais quand il fut question de lui appliquer l’impôt du cinquantième, ses dispositions devinrent tout autres. Il s’éleva avec énergie contre un tel projet, et commença à concevoir à l’endroit du gouvernement des défiances dont Louis XIV l’avait déshabitué. Une grande misère régnait alors dans le menu peuple depuis longtemps pressuré. L’impôt rentrait mal, et les coffres de l’état étaient presque vides. Aussi le droit du cinquantième provoqua-t-il un mécontentement général. Les parlemens de province, à l’instar de celui de Paris, joignaient leurs remontrances aux plaintes populaires et refusaient d’enregistrer l’édit qui établissait cet impôt. L’assemblée du clergé, réunie en ce moment à Paris, adressa ses doléances au roi et lui représenta que l’extension du cinquantième aux biens de l’église était une atteinte à ses franchises. Pour amener le clergé à composition, les ministres proposèrent d’ouvrir des conférences où la question serait débattue. Elles eurent lieu : les commissaires de l’assemblée y défendirent avec science et vigueur la doctrine dont leur ordre ne s’était jamais départi, à savoir qu’on ne pouvait exiger de l’église aucun impôt qu’elle ne l’eût préalablement consenti. On se disputa beaucoup, et les conférences n’aboutirent qu’à de nouvelles remontrances de la part de l’assemblée. Aussi l’assemblée refusa-t-elle nettement le don gratuit. Plusieurs évêques écrivirent même au pape pour solliciter en cette occurrence son intervention. La compagnie allait se séparer sans avoir reçu du gouvernement aucune assurance que le clergé, serait exempté ; inquiète de ce silence, elle jugea nécessaire, avant de clore ses séances, de formuler les principes auxquels elle entendait se tenir en ce qui touchait les immunités de l’église. La fermeté dont elle avait fait preuve lui réussit. Elle était en face d’un gouvernement qui craignait de l’exaspérer. Le régent était mort, et l’influence sacerdotale tendait à prendre le dessus. Sous le ministère du duc de Bourbon, les jésuites avaient commencé à rentrer en faveur. Louis XV, élevé dans les sentimens d’un grand respect pour l’église, avait à cœur de ne rien faire qui lui en aliénât la fidélité. Il écouta les remontrances de l’assemblée d’une tout autre oreille qu’il eût écouté celles de ses tribunaux. Il fit spontanément droit aux