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de cette compagnie à Pontoise, furent la réponse qu’il donna aux remontrances, mais elle n’eut pas raison de l’obstination des magistrats. Une année s’écoula sans que la cour vint à résipiscence. Les affaires souffraient. Il fallut la rappeler à Paris au mois de mai 1754, et elle ne s’y montra pas plus accommodante ; elle persévéra dans ses précédens erremens et décréta de nouvelles poursuites pour refus de sacremens. Louis XV n’osa rendre un nouvel édit d’exil ; il ne devait se résoudre à une mesure aussi radicale que seize ans plus tard. D’ailleurs le parlement, en enregistrant des édits bursaux, avait reconquis en partie sa bienveillance. Il jugea donc prudent de ne point réitérer son coup d’autorité pour contraindre l’aréopage obstiné à désarmer devant l’épiscopat, et l’archevêque de Paris, qui de son côté n’avait pas fléchi davantage, fut sacrifié. Le roi, à la fin de cette même année 1754, lui ordonna de se retirer à Conflans.

Les évêques furent atterrés de ce revirement dans la conduite du roi, et l’assemblée du clergé de 1755 se fit l’écho de leur mécontentement ; elle réclama avec insistance, car l’épiscopat était plus résolu que jamais à revendiquer ses droits. Christophe de Beaumont, de sa retraite de Conflans, continua à souffler dans son diocèse une résistance à laquelle le parlement ne tarda pas à répondre en ajournant le prélat comme un criminel, après l’avoir suspendu de l’exercice de son pouvoir épiscopal comme un indigne. Il voulait presque qu’on le traitât comme on avait traité jadis le cardinal de Retz et mettre la main sur son diocèse. Il commit un conseiller clerc pour présider à sa place à l’élection de la supérieure d’un couvent. L’archevêque lança contre les prétentions du pouvoir laïque un mandement qui était un vrai manifeste et où l’indignation ne gardait plus de bornes. Renchérissant sur le parlement, dont il subissait d’ordinaire l’influence, le Châtelet fit brûler le mandement par la main du bourreau. Les rôles semblaient avoir changé, et c’était maintenant le pouvoir laïque qui prenait celui de l’inquisition. Le scandale était à son comble, et Louis XV se vit contraint d’interposer une fois de plus sa volonté royale. Peut-être n’eût-elle pas été plus efficace que les années précédentes si les événemens ne fussent venus à son aide. Ils servirent au moins la cause des parlemens, qui en auraient tiré de grands avantages si leur attitude eût été moins hostile à la couronne.

L’attentat de Damiens avait été représenté comme l’œuvre d’un complot contre le parti du parlement. Machault et d’Argenson étaient renvoyés du ministère, et les partisans les plus décidés de l’ultramontanisme perdaient toute faveur. Le clergé orthodoxe avait lieu de craindre que sa voix fût moins écoutée. Louis XV ne fit pas droit à ses remontrances, tout en protestant du respect qu’il avait